Véronique Leclerc montre son bras : « Là, vous voyez, rien que d'y penser, j'en ai encore des frissons ».
L'infirmière de 55 ans n'aime pas se remémorer le 6 août 2015, jour de la fermeture des urgences de Valognes (Manche), ville coquette de 72 000 habitants située au cœur du Cotentin. Ce jour-là, cette petite structure ferme faute d'urgentistes pour la faire tourner. Victime d'un « gros choc psychologique », la soignante est arrêtée pendant quatre mois. Aujourd'hui, elle « revit ». Depuis le 7 mars, le staff des urgences de Valognes soigne à nouveau, mais à régime restreint, du lundi au vendredi de 8 heures à 18 h 30.
Cette transformation expérimentale d'un petit service d'urgences en centre de soins non programmés (CSNP) laisse entrevoir, à terme, la création d'une prise en charge intermédiaire des patients, entre la consultation de ville et l'urgence hospitalière.
En six mois, le centre a reçu 2 500 patients (21 par jour en moyenne contre 35 auparavant aux urgences). Un médecin, une infirmière et une aide-soignante composent l'équipe, au final pas si différente de celle d'avant. Familiale, un peu vieillotte, la structure possède du matériel pour la petite urgence et les consultations approfondies sans détresse médicale. Deux tiers des patients s'y rendent pour des soins en traumatologie (entorses, plaies, fractures) et un tiers pour des soins médicaux (infections, douleurs, lombalgies). Le centre possède un avantage conséquent : le temps de prise en charge (1 h 36 en moyenne) a été réduit de moitié.
« Œuf Kinder » tous les matins
« On ne fait pas tout à fait le même travail que les médecins de ville, précise le Dr Caroline Hemmer, dynamique médecin de 41 ans. On agit aussi en second recours, on a des lits et du "matos" ».
Utilisé pour un patient sur deux, le service d'imagerie de ce petit hôpital (2 000 séjours) spécialisé en soins de suite et en gériatrie est également un atout. Généraliste de formation, le Dr Hemmer a travaillé trois ans sur le site EPR de Flamanville, puis quelque temps aux urgences d'un hôpital normand. « C'était l'abattage alors qu'ici, c'est l'œuf Kinder tous les matins. Tous les petits services d'urgences seront fermés un jour ou l’autre. Ce qu'on vit à Valognes est une vraie chance », s'enthousiasme-t-elle.
Le médecin n'est pas praticien mais clinicien hospitalier. Introduit par la loi Bachelot, ce statut (de trois ans renouvelable) est utilisé sur des postes fragilisés par la pénurie médicale. Le salaire du Dr Hemmer est similaire à celui d'un PH à niveau égal d'expérience, sans gardes et astreintes.
Le directeur de l'établissement, Maxime Morin, croit à l'attractivité de ce statut, qu'il entend utiliser aussi aux urgences de Cherbourg (avec qui a fusionné Valognes il y a vingt ans) pour combattre la disette médicale, « plaie » du territoire. « L'urgentiste a une valeur ajoutée certaine mais faible, commente-t-il. À Cherbourg, seuls 10 cas sur 125 relèvent de l'urgence lourde. »
Moindre mal
Le CSNP, solution miracle ? Entre l'ouverture diurne de la structure et la fermeture totale des urgences, autant choisir la première option, explique-t-on à l'hôpital, à la mairie et en ville. « C'est mieux que rien même si ce n'est pas suffisant, analyse le Dr Stéphane Grudet, médecin généraliste. Ce centre évite de faire exploser nos agendas ». Le médecin diagnostique malgré tout une « perte de chance » pour les patients les plus isolés. Car la création du CSNP n'a pas résolu la pénurie d'urgentistes dont souffre toujours la ligne de SMUR restée ouverte, même s'il y a du mieux : les périodes de fermetures à périmètre constant ont été divisées par trois.
De l'aveu du directeur et des soignants, des points restent à améliorer. L'ouverture du centre devait désengorger les urgences de Cherbourg, exsangues. Rien n'a bougé. Côté régulation, tout reste à faire. Seul un patient sur cinq a pour l'instant le réflexe « 15 ».
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