Faut-il s'attendre, au cours des prochaines années, à des changements profonds dans les grandes orientations de la politique vaccinale en France ? « La première évolution forte sera bien sûr l'extension de l'obligation, que la ministre a annoncée pour janvier prochain. Cette mesure suscite des réserves dans une partie de la population qui sait se faire entendre sur internet. Il est difficile d’apprécier l’importance de ce mouvement d’opposition mais je pense qu’il reste très minoritaire. La très grande majorité des parents en France fait confiance à la politique vaccinale », explique le Pr Emmanuel Grimprel, chef du service de pédiatrie générale de l’hôpital Armand Trousseau à Paris.
Cette extension ne devrait pas entraîner de réels changements dans le calendrier. « Cela va évoluer, mais dans une certaine continuité, avec l'amélioration d'un certain nombre de vaccins. Par exemple, le HPV va s'élargir à 9 valences : on n'attend plus que la fixation du prix pour intégrer cette nouvelle formule dans le calendrier vaccinal. Cela sera la même chose pour le vaccin pneumococcique qui, lui aussi, va connaître un élargissement du nombre de ses sérotypes », explique le Pr Grimprel.
Renforcer la formation initiale
Pour ce médecin et enseignant, la priorité des années à venir est aussi de renforcer la formation initiale des professionnels de santé. « C'est quand même anormal que durant tout le cursus de formation d'un médecin, il n'y ait que quelques heures de vaccinologie. Car ensuite, cela sera quelque chose de majeur dans sa pratique quotidienne, s'il devient généraliste. La vaccination est aujourd'hui un domaine complexe qui relève à la fois de l'épidémiologie, l'immunologie, l'infectiologie voire la toxicologie, si on s'intéresse au profil de sécurité des vaccins dont certains ne cessent de dénoncer la pseudo-toxicité », indique le Pr Grimprel.
- 90 % de cas de coqueluche chez le tout-petit
Pour lui, la vraie révolution des années à venir est le développement de la vaccination de la femme enceinte. « Le processus a déjà été engagé avec la vaccination antigrippale qui est recommandée chez la femme enceinte dans le calendrier vaccinal depuis 2011. Mais le problème est que cette mesure est quasiment passée inaperçue », déplore le Pr Grimprel, en soulignant la nécessité d'aller plus loin pour assurer une protection optimale du nouveau-né. « Le meilleur moyen pour y arriver est de vacciner la mère durant la grossesse. Une femme enceinte vaccinée va transmettre ses anticorps à son enfant et le protéger durant les premiers mois de la vie, au moment où il est le plus fragile. C'est ce qu'ont bien compris les Anglais qui ont développé la vaccination coqueluche chez la femme enceinte, avec des résultats vraiment spectaculaires. En un an, ils ont vacciné pratiquement 80 % des femmes enceintes et ils ont vu chuter de près de 90 % les cas de coqueluche chez les très jeunes nourrissons », explique le Pr Grimprel convaincu que cette piste devra être suivie en France.
« Si on se projette dans l'avenir, cela ouvre des perspectives considérables, ajoute-t-il. Par exemple, on peut imaginer que, demain, on pourra développer des vaccinations pour la femme enceinte afin de protéger les nourrissons contre les infections tardives à streptocoque B ou les bronchiolites à VRS (lire aussi page 8) ».
Un message difficile à faire passer
Le Pr Grimprel est conscient que cette évolution devra se faire avec une grande pédagogie auprès des futures mères mais aussi des professionnels de santé. « Certains médecins auront peut-être des réticences à vacciner une femme durant sa grossesse en raison de sa fragilité. Mais les données de nos collègues anglais sur la vaccination coqueluche sont, sur ce point, très rassurantes ».
Entretien avec le Pr Emmanuel Grimprel, chef du service de pédiatrie générale de l’hôpital Armand Trousseau à Paris. Celui-ci est aussi membre de la commission technique des vaccinations qui dépend de la Haute Autorité de santé (HAS). Mais le Pr Grimprel précise qu’il s’exprime ici à titre individuel.
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