En France, l’organisation de la dialyse a permis aux patients d’avoir le traitement de meilleure qualité du monde, en compétition avec le Japon. Ceci s’est traduit par une meilleure survie et qualité de vie par rapport aux autres pays, et en particulier les États-Unis (1).
Cette organisation était fondée sur une complémentarité entre les différents secteurs impliqués dans la dialyse, secteur public, privé, commercial et privé non lucratif. Or, depuis la mise en place de la tarification à l’activité, on constate que cette complémentarité se transforme insidieusement en une concurrence, souvent favorisée par des décisions du ministère de la santé et de l’assurance-maladie, pouvant paraître à court terme comme une solution aux problèmes financiers auxquels ces organismes doivent faire face, mais dont les effets néfastes sur l’évolution de la qualité du traitement risquent malheureusement de ne se faire sentir que tardivement.
Nous risquons ainsi une évolution comparable à celle de la mutualité et des assurances santé complémentaires, pour lesquelles l’autorisation donnée aux assurances privées d’entrer dans le secteur de l’assurance-maladie, en concurrence directe avec les mutuelles, a conduit à une adaptation des tarifs faisant que les jeunes à faible risque ont effectivement une mutuelle moins chère, mais que de plus en plus de personnes âgées ou à risque n’ont plus accès à une complémentaire santé. Les notions de solidarité et d’entraide qui ont conduit à la mutualité et au système non lucratif, notamment associatif disparaissent progressivement, au profit d’une vision strictement mercantile qui ne pourra pas répondre équitablement aux besoins.
Certaines mesures récentes, dont la possibilité de faire appel à un prestataire de services pour organiser la dialyse hors-centre, le taux de remboursement ridiculement bas des agents stimulants l’érythropoïèse pour la dialyse péritonéale, le lourd tribut payé par la dialyse hors-centre aux économies programmées pour l’assurance-maladie dans la tarification 2 015 (près de 3 % de baisse des tarifs), les intégrations envisagées d’autres éléments dans le forfait de dialyse comme la biologie, vont conduire les structures sans but lucratif à se réorienter vers la centralisation des moyens dans un souci de rentabilité de la gestion, au détriment de la qualité des soins (moins d’accès à la dialyse longue), de la qualité de vie des patients (temps perdu et fatigue des transports), et des finances de l’assurance-maladie (coût d’une moindre qualité des soins et coût des transports), ce que l’on peut largement prévoir d’après les résultats de la récente étude médico-économique réalisée à la HAS. Cette disparition progressive des structures de proximité a commencé, comme on peut le voir sur le registre REIN, pas la quasi-disparition de l’autodialyse, sauf dans de rares régions.
La gestion des établissements du secteur privé non lucratif est de plus en plus souvent confiée à des gestionnaires non médecins certes efficients mais loin des réalités de terrain, permettant la survie de ces structures face aux attaques qu’elles subissent, mais au prix de développement d’établissements de plus en plus en concurrence avec les autres secteurs. Il serait temps que les gouvernances de ces établissements remettent le focus sur les valeurs éthiques, morales et désintéressées qui doivent les mener, ramenant la préoccupation mercantile à sa juste place. Sans cette mission primordiale, la place des établissements privés non lucratifs dans l’offre de soins est difficile à justifier.
Chaque année, le rapport du registre REIN attire notre attention sur les disparités de l’offre de soins selon les régions, en ce qui concerne la dialyse hors-centre, et en particulier la dialyse péritonéale. Bien sûr, la poursuite des mesures menant à la disparition progressive de la dialyse hors-centre permettrait de corriger cette disparité, qui disparaîtra d’ailleurs totalement quand l’offre de soins se limitera à une seule possibilité.
Mais est-ce bien la bonne solution ?
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