Un vaccin élimine le SIV chez le singe

Une immunité stérilisante obtenue grâce au cytomégalovirus

Publié le 16/09/2013
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Crédit photo : MediaforMedical

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« C’EST UN TRAVAIL TRÈS INTÉRESSANT, assure le Pr Olivier Schwartz, directeur du département virologie de l’Institut Pasteur, qui fait la preuve du concept. L’équipe a obtenu une immunité stérilisante chez des singes vaccinés contre le SIV, avec disparition totale du virus de l’organisme. » La transposition immédiate de ces travaux au VIH, donc à l’homme, soulève quelques réserves, « il faut rester très très prudent », interrompt le chercheur.

Dans une lettre adressée à la revue Nature, une équipe de l’Oregon conduite par le Pr Louis J. Picker (Vaccine and Gene Therapy Institute and Oregon National Primate Research Center), publie des résultats complémentaires de travaux initiaux : la réponse vaccinale démontrée antérieurement se maintient et l’élimination totale du virus a pu être obtenue chez la moitié des signes vaccinés.

« C’est une technologie vaccinale classique modernisée, explique le Pr Jean-Marie Andrieu (laboratoire d’Oncologie et Virologie Moléculaire Université Paris Descartes), lui-même auteur de travaux voisins publiés dans la revue Cells Reports en décembre dernier. Il y a deux pistes en vaccinologie, celles des anticorps et celles des cellules tueuses qui jusqu’alors n’avait eu aucun succès dans le sida. »

L’équipe a observé que des macaques infectés par le Cytomegalovirus se défendent très bien en produisant des cellules tueuses différenciées de façon terminale. « Comme dans les infections SIV et VIH, on n’arrive pas à produire ces cellules tueuses différenciées, les chercheurs ont eu l’idée d’introduire une partie du génome du SIV dans un cytomégalovirus ».

Le vaccin Rh/CMV/SIV a été administré à petites doses, par voie intrarectale et intravaginale, à des singes auxquels on a ensuite inoculé la souche SIVmac29 hautement pathogène. « En fait, la souche SIVmac29 est détectée dans l’organisme puis progressivement éliminée par les cellules tueuses qui font leur travail ! », insiste Jean-Marie Andrieu. « Le cytomégalovirus entretient une infection à bas bruit qui, elle-même, entretient une réponse immune à bas bruit dépendante des lymphocytes T, ce qui aboutit à l’éradication totale du virus, explique Olivier Schwartz. Ces travaux sont à rapprocher de ceux qui se font actuellement avec le virus de la rougeole qui provoque lui aussi une infection persistante. »

Ni dans les réservoirs.

Les PCR ultrasensible et PCR reverse transcriptase réalisées sur les nécropsies entre la 69e et la 172e semaine la vaccination ne retrouvent aucune trace d’ADN ou d’ARN viral sur plus de 52 prélèvements tissulaires répétés plusieurs dizaines de fois chez chaque animal.

Pourquoi seule la moitié des macaques répond ? « Personne ne sait, répond le Pr Andrieu. Les différences immunitaires liées au système HLA l’expliquent en partie, et cela dépend vraisemblablement aussi des " morceaux" du virus que Louis Picker a choisi d’associer au CMV. Il est possible qu’en utilisant d’autres gènes, le taux de réponse varie ». Le transfert de cette expérience à l’homme « s’avère très délicat notamment parce que l’homme est régulièrement infecté par le cytomégalovirus et l’obtention de cellules tueuses différenciées est moins probable », assure le Pr Andrieu.

Compétition ?

On sent une certaine émulation voire compétition entre les équipes qui travaillent sur la piste vaccinale.

En décembre 2012, l’équipe franco-chinoise dirigée par le Pr Jean-Marie Andrieu publiait dans « Cells Report » les résultats prometteurs d’un vaccin oral neutralisant l’activation des CD4 nécessaires à la multiplication virale. « Nous travaillons à la simplification de l’administration du vaccin chez le singe. Et on commence avec l’Institut Karolinska, à préparer le vaccin chez l’homme. Les premiers essais auront lieu entre février et mai 2013 avec des résultats officieux attendus dans les 6 mois suivant et officiels vers mars 2015. »

Immune clearance of highly pathogenic SIV infection. Nature doi :10.1038

Dr ANNE TEYSSÉDOU-MAIRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9263