En France, on estime à 770 000 le nombre de personnes ayant fait un accident vasculaire cérébral, dont 550 000 en gardent des séquelles physiques et intellectuelles. L’AVC est la troisième cause de décès -la deuxième chez les femmes-, la première cause de handicap acquis de l’adulte et la deuxième cause de démence. Il s’agit donc d’un problème de santé publique majeur, qui a motivé il y a trois ans la mise en place d’un plan national d’actions. Lancé en 2010, le plan national AVC 2010-2014 repose sur quatre priorités que sont l’amélioration de la prévention et de l’information des patients avant, pendant et après l’AVC ; la mise en œuvre des filières de prise en charge et les systèmes d’information adaptée ; l’information, la formation et la réflexion des personnels impliqués ; et enfin la promotion de la recherche. Ce plan a ainsi fixé parmi ses actions prioritaires non seulement l’accès aux soins en urgences mais aussi la prise en charge du handicap, à court, moyen et long terme.
Développement des UNV et de la filière d’aval.
« Il s’est traduit en particulier par le développement des unités neurovasculaires (UNV), dont les bénéfices sur la morbimortalité sont connus depuis plus d’une dizaine d’années et ce quels que soient l’âge du patient ou le type d’AVC, note le Pr Thierry Moulin. L’objectif du plan est d’atteindre 140 UNV -nous en sommes à 125- mais cet objectif est sans doute sous-dimensionné. Il a en effet été établi en se basant sur une prévalence théorique de 500 000 AVC, mais les données épidémiologiques colligées depuis font état d’environ 800 000 patients ayant fait un AVC dans notre pays. Il faut donc redimensionner le plan AVC en tenant compte de la réalité des chiffres ». Le plan a entraîné aussi une nécessaire réorganisation des plateaux techniques afin de permettre un accès à l’IRM en moins de 45 minutes pour pouvoir réaliser la thrombolyse en moins d’une heure dans la filière intra-hospitalière (le fameux « door-to-needle » des Anglo-Saxons). Dans ce domaine avec l’aide des urgentistes et des radiologues, le bilan est plutôt positif, puisque le taux de thrombolyse est passé de moins de 2 % à 5 à 6 % actuellement. L’évolution est réelle, mais la marge de progression est grande si l’on compare avec les taux de thrombolyse observés en Allemagne (10 à 15 %) ou dans les pays scandinaves (25 à 26 %). « Il faut encore faire des efforts de structuration au sein de chaque filière hospitalière, notamment en adaptant le dimensionnement des UNV, 100 % des patients avec un AVC doivent y accéder. L’objectif serait d’environ 150 UNV, tout en développant d’autres pistes, comme la télémédecine, qui peut permettre de « transporter » un avis de spécialistes dans un lieu où les neurologues ne sont pas assez nombreux. Il faut permettre à tout patient l’accès à un plateau technique relié à une UNV de territoire ou de recours », précise le Pr Moulin. Plus globalement, toute la filière d’aval à l’hospitalisation doit être profondément restructurée en identifiant mieux des lits dédiés aux patients neurologiques en SSR (soins de suite et réadaptation), longs séjours, ainsi que des places en HAD (hospitalisation à domicile), SSIAD (services de soins infirmiers à domicile), SAMSAH (services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés), de MAS (maison d’accueil spécialisée), de FAM (foyer d’accueil médicalisé) pour les patients en perte d’autonomie. De même, l’hébergement temporaire pour reposer les aidants devrait être mutualisé dans les structures existantes L’ensemble doit conduire à une meilleure coordination tout au long du parcours de soin pour favoriser le retour à domicile.
Information du grand public.
Il est également essentiel de permettre aux patients d’accéder à la filière de soins le plus rapidement possible, car il s’agit d’une véritable course contre la montre pour le diagnostic et le traitement (en moins de 4 h 30). Ceci passe par la structuration de l’offre de soins en urgences, mais aussi par l’information du grand public. Les signes d’alerte (paralysie brutale d’une partie ou de la moitié du corps, trouble de la parole, de la vision, de l’équilibre, de la coordination ou de la marche, céphalées soudaines) devant faire appeler le 15 sont encore trop peu connus, malgré la répétition des campagnes d’information. « Le message est plus complexe pour l’AVC que pour l’infarctus du myocarde – autre grande situation d’urgence bénéficiant d’une offre de soins structurée-, car la présentation clinique est bien sûr polymorphe, alors que dans la coronaropathie, la douleur est le maître symptôme », souligne le Pr Moulin. Il faut donc poursuivre l’information du grand public, incité dans ce contexte à contacter directement le 15 afin d’éviter toute perte de temps. Les généralistes ont de leur côté un rôle majeur à jouer en termes de prévention primaire, en particulier chez les patients à risque comme les hypertendus et/ou diabétiques (correction des facteurs de risque cardio-neuro-vasculaire et information précise sur les symptômes de l’AVC) et secondaire, avec la coordination de la prise en charge des patients après l’AVC. La formation des neurologues. La prise en charge à moyen et long terme des patients après un AVC constitue un véritable défi, qui nécessite une organisation multidisciplinaire, impliquant aux côtés des neurologues, hospitaliers et libéraux, les médecins rééducateurs, les gériatres, les cardiologues, les généralistes…. « Les actions dans ce domaine doivent être renforcées, des ressources manquent, et les moyens mieux utilisés : hôpitaux de jours spécifiques, remboursement des consultations -qui sont très longues-, à la hauteur du temps passé… De nombreux outils réglementaires doivent encore être mis en place pour optimiser le parcours. Enfin, il est capital de mener une réflexion sur l’augmentation du nombre de neurologues à former. Si le neurovasculaire est le fer de lance de la neurologie, nous avons besoin de neurologues très bien formés dans tous les domaines de la spécialité, qui doit garder la richesse de toutes ses compétences », insiste le Pr Moulin avant de préciser que les besoins en ressources médicales concernent également d’autres spécialités, comme les médecins de rééducation. « En effet, il faudrait thématiser tout un parcours de soin sur le handicap neurologique, ceci est important après un AVC mais aussi dans les autres affections neurologiques qui sont invalidantes (Parkinson, sclérose en plaques, Alzheimer et démences, épilepsies, maladies neurodégénératives…). Les moyens sont à mutualiser, notamment dans les villes où la prise en charge des patients neurologiques est assurée par peu de neurologues qui doivent travailler en réseau avec les rééducateurs, les gériatres, et les généralistes comme avec d’autres professionnels de santé (kinésithérapeutes, orthophonistes…) ».
La recherche en neurovasculaire.
À l’instar du Plan Alzheimer, l’effort national de recherche doit s’amplifier pour coordonner recherche fondamentale, préclinique et clinique, et programmes de recherche translationnelle dans le champ des maladies neurovasculaires. Un décloisonnement s’impose pour que cliniciens et chercheurs conjuguent leur savoir-faire en promouvant les interactions entre domaines disciplinaires. C’est à ce prix que le service réel sera rendu aux patients.
D’après un entretien avec le Pr Thierry Moulin, président de la Société française neurovasculaire (SFNV), service de neurologie, CHU Besançon.
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