Quelques milliers d'Amérindiens vivent aujourd'hui en Guyane française. La citoyenneté française leur a été progressivement octroyée à partir de 1969, sans pour autant se coupler d'un accès aux droits satisfaisant.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CDNCH) pointe dans son avis du 23 février « un grave déficit d’accès aux services de santé lié aux conditions géographiques et au manque de transports affectant la couverture médicale en soins de santé primaire des populations autochtones ». Vivant le long des fleuves frontières que sont le Maroni et l'Oyapock, les Amérindiens de l'intérieur de la Guyane résident parfois à plusieurs heures de pirogue d'un centre de santé.
Pourtant, « la prise en charge sanitaire des populations amérindiennes s’est fortement améliorée ces dernières années », assure l'ARS de Guyane, notamment grâce à la mise en place de centres délocalisées de prévention et de soins (CDPS) dans certains villages, avec la présence de médecins ou d'infirmiers. À cela s'ajoute le développement de « projets de télémédecine », souligne le Dr Tabard, médecin en charge de la santé en territoires isolés à l'ARS de Guyane.
Transferts à l’hôpital de Cayenne
Mais ces évolutions ne répondent pas aux problèmes des accouchements, les maternités se trouvant sur le littoral guyanais. « Les femmes amérindiennes font régulièrement l’objet de transferts à l’hôpital de Cayenne vers le septième mois de leur grossesse », où elles sont hospitalisées en attendant leur accouchement, décrit l'avis. Cette pratique était déjà pointée du doigt par la chambre régionale des comptes de Guadeloupe, Guyane, Martinique, dans un rapport de 2012. Et, le rapport de novembre 2015 des sénatrices Aline Archimbaud et Marie-Anne Chapdelaine sur les suicides des Amérindiens de Guyane proposait lui d'« examiner la faisabilité d'une révision de la stratégie de prise en charge des femmes enceintes dans les communes les plus isolées ».
D'après le CNCDH, « cet éloignement est vécu comme une maltraitance et une atteinte aux pratiques traditionnelles pouvant être à l’origine d’un syndrome dépressif voire d’un suicide. Par conséquent, de plus en plus de femmes ne déclarent plus leur grossesse et ne se rendent plus dans les dispensaires. Accouchant dans leur village, elles prennent le risque de mettre en danger leur santé et celle du bébé ». D'après l'INSEE, en Guyane, la mortalité infantile était de 9,2 décès pour 1 000 naissances en 2012, soit trois fois plus que la moyenne nationale.
Difficulté de recruter du personnel médical
Pour l'ARS, il s'agit de « trouver un équilibre entre sécurité sanitaire (et respect de la législation française) et le respect des déterminants socioculturels des populations autochtones ». L'Agence évoque « la possibilité de développer le CDPS de Maripasoula pour pouvoir y réaliser des accouchements ». Dans les faits, les sages-femmes travaillant dans cette bourgade isolée, à quelques heures de pirogue des villages amérindiens du haut-fleuve Maroni, accompagnent déjà plusieurs accouchements par mois dans un centre de santé sans bloc opératoire. Mais alors que le littoral guyanais manque déjà de soignants, le Dr Tabard prévient que « la difficulté de recruter du personnel médical spécialisé prêt à s’installer à Maripasoula risque de rendre difficile le développement de ce projet », pourtant de plus en plus nécessaire au vu de l'explosion démographique que connaît actuellement la commune. « La levée des barrières géographiques » que le CNCDH appelle de ses vœux s'annonce compliquée.
Quant aux « barrières socioculturelles », le Centre hospitalier de Cayenne « prévoit la création en 2017 d'une structure d’accueil adaptée aux cultures autochtones ». Pour le directeur de l'ARS, Jacques Cartiaux, ce « projet d’hôtel hospitalier permettra aux patientes de bénéficier d’un environnement moins "hostile" pour leur prise en charge péri-hospitalière », sans toutefois résoudre le problème de l'éloignement.
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