Peut-on parler sereinement du temps de travail à l’hôpital ?
Trois secousses témoignent en tout cas du tremblement de terre qui ébranle depuis six mois une institution hospitalière soumise à deux forces contraires : d’un côté des économies à marche forcée réclamées par l’exécutif (trois milliards d’euros en trois ans) et, de l’autre, des personnels médicaux et paramédicaux qui refusent d’être « corvéables à merci » et de fonctionner davantage à flux tendu dans des services saturés.
Urgentistes, la contagion ?
Premier acte : l’accord « urgentistes » arraché par l’AMUF à Marisol Touraine juste avant Noël 2014 après une grève éclair. Historique, ce protocole – qui entre en vigueur au 1er juillet – ouvre une brèche dans l’organisation et la gestion des plannings en limitant à 39 heures le travail posté auprès du patient (généralisation du décompte horaire) et en identifiant un temps forfaitisé pour les activités non cliniques (dans le respect des 48 heures hebdomadaires maximum). Une petite révolution ouvrant droit à des heures supplémentaires payées comme telles ou à des récupérations.
Un sondage réalisé par Avenir Hospitalier la CPH, auprès de 1 700 PH (toutes spécialités), révèle le puissant effet de contagion de cet accord. Les deux tiers des médecins hospitaliers estiment nécessaires de changer la réglementation concernant le temps de travail. Et plus de la moitié jugent que le fait d’introduire des notions de décompte horaire et de temps non clinique pourrait attirer les jeunes vers une carrière hospitalière. Le message est clair : toutes les spécialités (notamment l’anesthésie-réanimation, la radiologie, la pédiatrie, la chirurgie, la cardiologie) expriment le souci de la pénibilité et souhaitent valoriser du temps non clinique. De quoi donner des idées aux centrales syndicales qui attendent toujours le rapport de Jacky Le Menn sur l’attractivité des carrières médicales.
Les internes, l’Europe, et les CHU
La deuxième secousse est venue des internes avec l’encadrement plus strict du temps de travail depuis le 1er mai (48 heures par semaine, passage de 11 à 10 demi-journées), une réforme compliquée à appliquer dans les hôpitaux (lire ci-contre notre reportage). « De nombreux CHU ne jouent pas le jeu et demandent même aux hôpitaux périphériques de les suivre dans l’idée de ne pas appliquer la réforme », regrette Trystan Bacon, nouveau président des internes de médecine générale (ISNAR-IMG). Là encore, ce sont les jeunes médecins qui se sont mobilisés pour faire appliquer la réglementation européenne face à des directions récalcitrantes, même si la traduction sur le terrain risque de faire des déçus.
Troisième réplique : les 35 heures à l’AP-HP. Réduction des jours de RTT, pertinence de certains congés extralégaux... : sur ce dossier explosif, après quatre journées de grève des personnels, le directeur général du premier CHU de France, Martin Hirsch, a dû changer sa méthode, sa copie et son calendrier, reportant à l’automne l’ouverture de négociations sur l’organisation du temps de travail dans les 38 hôpitaux parisiens. Cette semaine, Marisol Touraine s’est dite « sûre » que Martin Hirsch trouverait « le chemin du dialogue », après s’être montrée très agacée de la gestion et de la communication du patron de l’AP-HP. Le chemin sera étroit, même si la moitié des hôpitaux environ ont déjà renégocié leurs accords RTT, parfois dans la douleur.
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