Lors des scrutins qui s’annoncent, le corps médical penchera davantage pour la majorité actuelle que pour la droite. Notre sondage réalisé en partenariat avec Stethos et Exafield montre qu’un praticien sur deux devrait en effet voter Macron dès le premier tour. En regard, Valérie Pécresse ne parvient pas à convaincre. Marine le Pen encore moins. Pendant qu’Éric Zemmour ne laisse pas indifférent certains de ces acteurs de santé.
Si les médecins étaient les seuls à voter lors de la présidentielle, Emmanuel Macron serait sans doute élu… dès la semaine prochaine ! Difficile en effet de trouver catégorie sociale plus macronienne que le corps médical. C’est la grande surprise de notre sondage. Dimanche 10 avril, un médecin sur deux devrait glisser dans l’urne un bulletin avec le nom du chef de l’État. Notre enquête avec Stethos et Exafield laisse supposer que cette propension légitimiste devrait se retrouver chez les hospitaliers que nous avons sondés comme chez les libéraux qui ont répondu à notre enquête, même si elle est encore plus marquée chez les premiers (53 %) que chez les seconds (49 %). Clairement – par passion ou par raison ? - le vote Macron est un phénomène massif chez nos lecteurs. Beaucoup plus qu’en population générale si l’on en croit les enquêtes grand public : puisque, par comparaison, entre le quart et le tiers de nos concitoyens seulement devraient manifester, dès le premier tour, leur attachement au chef de l’État.
Tout laisse d’ailleurs supposer que les médecins sont plus supporters du Président aujourd’hui qu’ils ne l’étaient de celui qui n’était encore que candidat En Marche il y a cinq ans. C’est avéré, en tout cas chez les médecins de ville. En mars 2017, « Le Quotidien du Médecin » publiait un sondage IFOP qui révélait qu’à l’époque 35 % des praticiens libéraux étaient prêts à voter pour le champion d’En marche. C’est bien moins qu’aujourd’hui, mais c’était déjà en soi une surprise, le candidat de la droite, François Fillon ne faisant guère mieux (36 %) en 2017.

La droite oubliée ?
Corollaire de cette poussée du vote Macron est la baisse du vote de droite chez les enfants d’Hippocrate. L’attachement traditionnel des médecins libéraux à cette famille politique, autrefois bien ancré, semble s’émousser. Et ce désamour est encore plus évident aujourd’hui qu’à la dernière présidentielle. Valérie Pécresse, avec 20 % seulement des suffrages émis par ces derniers en fait clairement les frais, les généralistes (18 %) la choisissant encore moins que les autres spécialistes (21 %). Reste que la médecine de ville penche toujours plus volontiers à droite que la médecine hospitalière, auprès de laquelle la candidate LR sombre littéralement, avec seulement 12 % des intentions de vote.
La droite devrait toutefois légèrement améliorer son score aux législatives avec 28 % des votes des libéraux et 18 % de ceux des hospitaliers pour LR. C’est cruel pour sa candidate à la présidentielle, même si ce n’est sans doute que la rançon de la notabilité : une partie de la profession gardant visiblement encore, sur le terrain, des liens étroits avec les élus LR. Conséquemment, on constate d’ailleurs que LREM ne fera « que » 40 % des votes de médecins au premier tour des législatives de juin.
Pécresse pâtit de la bonne cote de Macron chez les blouses blanches, mais ce n’est pas la seule raison de son infortune. La fuite de certains de ses électeurs naturels vers une droite plus radicale lui joue des tours même chez les professionnels de santé. Certes, Marine Le Pen ne parvient toujours pas à décoller auprès de ce public. Cela se confirme dans notre sondage : seuls 4 % des libéraux et 1 % des PH iront voter pour la candidate RN. C’est dix fois moins que la moyenne de la population ! Entre le FN (devenu RN) et le corps médical, la greffe n’a jamais prise et le rejet demeure total, en dépit des efforts du parti frontiste qui a tenté ces dernières années de muscler et « normaliser » son programme de santé.

En comparaison, le phénomène Zemmour ne laisse pas indifférent une partie des médecins, probablement venue de la droite traditionnelle. Pas loin d’un praticien sur dix se montre séduit par l'ex-journaliste : c’est vrai surtout en libéral (16 %), mais cela touche aussi, dans une moindre mesure, l’électorat hospitalier (7 %). Encore un signe qui montre que la droite a déçu ses électeurs d’autrefois. Et que l’extrême-droite n’a pas perdu ses chances auprès d’eux, à condition d’abandonner le discours plébéien, qui était jusque-là le sien.
La gauche décapitée
Et où est donc passée la gauche ? Notre sondage montre que, plus encore que dans le reste de la population, elle semble à l’agonie. C’est vrai surtout en médecine de ville ; avec des niveaux historiquement bas. Il y a 5 ans, l’enquête Ifop-«Quotidien du Médecin» donnait 8 % au candidat PS, Benoît Hamon et 7 % à celui de la France insoumise — soutenu par le PC — qui était déjà Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier ferait cette année 3 % et celui du PC, Fabien Roussel recueillerait 1 %… La maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo n'arrive pas elle aussi à faire davantage que ce score… Même chez les médecins généralistes où l’on retrouvait jusque-là, bon an mal an, un petit tiers à se laisser tenter par le PS, la maire de Paris ne décolle pas. Et le pire, c’est que la gauche socialiste ne ferait pas mieux aux législatives chez les médecins de ville. Il faut y voir sans doute le reflet d’une désaffection générale pour le parti de François Hollande, probablement accentuée chez les médecins libéraux par le mauvais souvenir des cinq ans de Marisol Touraine avenue de Ségur…
À l’hôpital, la gauche se comporte un peu mieux, mais sans plus. 2 % des PH voteraient Anne Hidalgo, 8 % Jean-Luc Mélenchon, 3 % Fabien Roussel, soit bien moins que l’ensemble de la population. Ça se « gauchise » davantage pour les élections des députés, mais dans des proportions homéopathiques : 7 % pour le PS, 5 % pour LFI et 1 % pour le PC.
En regard, l’extrême gauche fait très peu d’émules dans le corps médical. Ce n’est pas nouveau et c’est vrai quel que soit le statut (public ou privé) du praticien : entre 0 et 1 % selon les personnalités proposées (Nathalie Arthaud et Philippe Poutou) et les scrutins.
Peu de suspense au second tour
Entre l’hôpital et la ville, c’est encore sur le vote écologiste qu’il y a le plus d’écart. C’est vrai déjà au premier tour de la présidentielle : si seuls 3 % des libéraux se déplaceront pour voter Jadot (soit moins que la moyenne nationale), le candidat EELV séduit en revanche 11 % des médecins hospitaliers (soit deux fois plus qu’en moyenne dans le pays). Les médecins reprocheraient-ils au leader écologiste son manque de charisme ? Peut-être. En tout cas, ils sont plus nombreux à se montrer prêts à voter vert aux législatives : 7 % des libéraux et jusqu’à 21 % des hospitaliers sont dans ce cas.
Notre sondage a enfin simulé l’impact que pourraient avoir des duels de second tour entre Emmanuel Macron et les candidats RN, LR, LFI et Reconquête. On en retiendra que le chef de l’État tirerait encore mieux son épingle du jeu chez les médecins qu’auprès de leurs patients, avec, dans la plupart des cas de figure des scores supérieurs à 75 %. Seule Valérie Pecresse parviendrait à limiter les dégâts : 26 % des hospitaliers et jusqu’à 41 % des libéraux voteraient pour elle face à Macron le 24 avril. Pas suffisant néanmoins pour faire tomber Jupiter de son piédestal…