Panne de recettes et dépenses exceptionnelles

Sécu : l'année où le déficit a plongé dans les abysses

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Publié le 22/12/2020
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La crise a balayé les espoirs de retour à l'équilibre, signant une dégradation inédite et durable des comptes sociaux.

Crédit photo : GARO/PHANIE

L'année 2020 avait pourtant commencé sous de bons auspices. Promulguée en décembre 2019, la loi de financement pour la Sécurité sociale (LFSS 2020) tablait sur un déficit « limité » de 5,4 milliards d'euros du régime général cette année et un retour à l'équilibre dès 2023.

Mais le double choc sanitaire et économique provoqué par la crise du Covid a tout balayé. Dépenses exceptionnelles d'un côté, effondrement des recettes de l'autre : l'état d'urgence sanitaire et les périodes de confinement strict avec recours massif au chômage partiel ont durablement dégradé les comptes sociaux, en privant la Sécu de l'essentiel de ses ressources (cotisations assises sur la masse salariale), tout en multipliant les coûts imprévus pour amortir le choc dans le secteur de la santé.

Achats de masques et de matériels de protection, remboursements des tests, arrêts de travail dérogatoires (garde d'enfant, personnes vulnérables, libéraux), garanties de financement et surcoûts dans les hôpitaux, rémunérations, primes et heures supplémentaires pour le personnel soignant, prise en charge des téléconsultations, etc. : le gouvernement a dû assumer, mois après mois, des mesures exceptionnelles, affectant massivement les dépenses couvertes par l'ONDAM (objectif national de dépenses d'assurance-maladie) et l'obligeant en permanence à revoir ses prévisions. 

Sans commune mesure

Fin mai, le comité d’alerte indépendant sur les dépenses maladie avertit l'exécutif des risques de dépassement « sans commune mesure avec ceux qu'il est amené à analyser en année normale. » Les dépenses exceptionnelles supplémentaires de santé sont alors évaluées à huit milliards d'euros en 2020 (soit 4 points de plus d'ONDAM, initialement fixé à +2,45 %). Le comité souligne aussi que les baisses de remboursements en soins de ville seront partiellement compensées par un système d'indemnisation des libéraux pour perte d'activité.   

En juin, le couperet tombe : la commission des comptes de la Sécu (CCSS) révèle une estimation de déficit de 52 milliards d'euros du régime général en 2020 (dont 31 milliards pour la branche maladie), dix fois plus que ce qui était anticipé six mois plus tôt. « Jamais la Sécurité sociale n’a subi une détérioration aussi brutale et rapide de ses comptes », souligne la CCSS, pourtant peu habituée aux superlatifs. Fin septembre, la même commission des comptes de la Sécu revoit ses prévisions de déficit à 44,7 milliards (en raison de rentrées d'impôts et de cotisations moins mauvaises).

L'art de la correction

Le budget de la Sécu pour 2021 relève alors de l'exercice d'équilibrisme pour l'exécutif. À l'Assemblée nationale, Olivier Véran annonce en octobre une augmentation de dix milliards d'euros de l'ONDAM 2020, puis une rallonge supplémentaire de 2,4 milliards d'euros pour les établissements afin de financer l'ouverture de lits à la demande dans des hôpitaux, l'avancement des hausses de salaire du Ségur et une survalorisation des heures supplémentaires. Peu après, le Sénat vote de son côté une nouvelle enveloppe de 800 millions pour 2020 afin de couvrir le déploiement des tests PCR et des tests antigéniques. 

Au fil de l'examen parlementaire, les prévisions sont à nouveau dégradées à plusieurs reprises – passant à 46,6 milliards d'euros de « trou » en 2020 puis à 49 milliards d'euros, sous l'effet de la deuxième vague et du reconfinement. Pour 2021, les anticipations sont également sombres avec un déficit alourdi à 35,8 milliards d'euros (contre 28 prévus initialement). 

Tout au long des débats, l'opposition de droite s'alarme de cette dérive et dénonce la « spirale de la dette », non sans conséquences. « La disette budgétaire sera sans doute la marque des budgets futur », prédit Jean-Carles Grelier, député apparenté LR de la Sarthe. Olivier Véran aura cette formule. « Nous sommes sur la face nord de l'Everest en plein hiver, la visibilité est vraiment mauvaise. » 

L.T. et C.D.

Source : Le Quotidien du médecin