Le 21 juillet 2020, au moment de présenter les conclusions du Ségur de la santé, Olivier Véran promettait de « remettre de l'humain, des moyens et du sens dans notre système de santé ». Qu'en est-il vraiment un an après la signature de ces accords qualifiés « d'historiques » par le ministre ?
Ce mardi 20 juillet, le locataire de l'avenue de Ségur présidait le quatrième comité de suivi en compagnie des organisations de soignants. L'occasion de faire le point sur les mesures prises depuis un an et fixer le cap pour les mois à venir. Le neurologue ne cache pas sa satisfaction. « Après 12 mois de travail, 75 % des mesures sont aujourd'hui réalisées ou en cours de déploiement », assure-t-il.
Salaires, investissements et gouvernance
En un an, pas moins de 5 ordonnances, 17 décrets et 36 arrêtés relatifs au Ségur de la santé ont été publiés, indique le cabinet du ministre. Celui-ci vante tout d'abord l'accord sur les revalorisations salariales des personnels médicaux et paramédicaux signé le 13 juillet 2020 et élargi à plusieurs reprises depuis.
Au total, 9 milliards d'euros ont été déployés au bénéfice d'environ 1,5 million de professionnels des hôpitaux et des EHPAD. À titre d'exemple, une infirmière en fin de carrière touche désormais 536 euros net supplémentaires par mois et la rémunération d'un praticien hospitalier (PH) fraîchement nommé est passée de 3600 à 4705 euros net par mois. Interrogé par RTL quelques minutes avant le comité de suivi, Olivier Véran a vanté « le plus grand plan de revalorisations salariales de toute l'histoire de notre pays ».
Le ministre de la Santé défend par ailleurs les 19 milliards d'euros déployés sur dix ans pour redonner aux hôpitaux la capacité d'investir. Depuis un an, plusieurs établissements comme à Nancy, Saint-Malo ou Bordeaux ont déjà pu bénéficier de cette manne répartie en trois volets : 15,5 milliards pour le sanitaire (dont 650 millions pour les investissements du quotidien dès 2021), 1,5 milliard pour le médico-social et 2 milliards pour le numérique.
Votée en avril 2021, la loi dite « Rist » a, dans le prolongement du Ségur, fait bouger les lignes de la gouvernance à l'hôpital. Le service a ainsi été réaffirmé comme « échelon de référence en matière d'organisation, de pertinence, de qualité et de sécurité des soins ». La place des soignants et des médecins dans les instances décisionnaires a aussi été renforcée. En ce sens, et en accord avec les conclusions du rapport Claris, deux décrets publiés fin mai créent des commissions médicales de groupement (CMG) au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Enfin, un bond a été fait en matière d'accès aux soins avec le déploiement depuis janvier dans 22 territoires pilotes du Service d'accès aux soins (SAS).
Ségur An II
Du chemin reste à faire pour tenir toutes les promesses faites il y a un an. Olivier Véran insiste ainsi sur « l'An II du Ségur » qui sera celui de « la transformation en profondeur du système de santé, par les acteurs de la santé eux-mêmes, dans les territoires, dans les hôpitaux ». Une année marquée par la déconcentration du pilotage, explique le ministère. Désormais, il appartiendra aux agences régionales de santé (ARS) d'accompagner les acteurs et de garantir les transformations espérées.
L'accent est mis notamment sur la poursuite du développement de l'exercice coordonné en ville, le déploiement des projets d'investissement et le développement des outils numériques. Un grand chantier devra permettre de réformer l'organisation du temps de travail à l'hôpital afin de donner plus de marge de manœuvre aux établissements. En outre, dès novembre prendront effet les mesures visant à durcir la lutte contre l'intérim médical. Enfin, un « Ségur de la ville » est en cours avec les négociations autour de l'avenant 9 de la convention médicale qui devraient aboutir à la fin du mois.
Constat d'échec
En dépit de ce satisfecit, le Ségur peine toujours à convaincre certaines organisations de soignants. Dans un communiqué publié lundi, le collectif inter-hôpitaux (CIH) fait un « constat d'échec » des mesures proposées et mises en place. « Cet échec se traduit concrètement par la persistance voire l'aggravation de la désaffection des personnels de santé pour l'hôpital public », écrit l'organisation, fer de lance du mouvement de contestation initié en 2019.
Ni les revalorisations, qui « ne permettent toujours pas à la France de se trouver dans la moyenne de l'OCDE », ni la réforme de la gouvernance, qui « consacre la poursuite d'une direction de l'hôpital par les gestionnaires loin du terrain et des services » ne recueillent l'approbation du CIH. « La situation de l'hôpital public continue de se dégrader signifiant une baisse de l'offre de soins pour la population », déplorent les soignants qui demandent à Olivier Véran « un plan pluriannuel permettant de rétablir l'attractivité de l'hôpital public ».
Côté ville, le Syndicat des médecins libéraux (SML) a déploré une « année noire ». L'organisation présidée par le Dr Philippe Vermesch dénonce un « dépeçage des compétences et des actes médicaux » via le développement des délégations de tâches et s'émeut du report à 2023 de la nouvelle convention médicale. Le SML voit dans le Ségur un seul point positif pour la ville : l'accélération de la télésanté, largement favorisée par la crise sanitaire. Un plan de 2 milliards d'euros en faveur des médecins libéraux est réclamé par le syndicat.
Pour convaincre, ce dernier a invité l'ensemble des soignants du pays, soit 1,5 million de professionnels, à une séance de questions-réponses organisée en visioconférence depuis son ministère, ce 20 juillet. Reste à savoir si les blouses blanches seront sensibles à cette opération de communication inédite.
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