La Cour des comptes, qui a rendu public son rapport annuel ce mardi, émet des doutes sur la possibilité pour le gouvernement, d’atteindre les objectifs de déficit public de 4,1 % du PIB en 2013, et de 3,6 % en 2014.
Des efforts sont indispensables. Si la Sécurité sociale et les finances locales restent les postes cruciaux en terme d’économies, les « sages » concentrent cette fois leurs recommandations sur l’État et ses satellites.
• Indemnisation des victimes de l’amiante : cible manquée
Le dispositif mis en place dans les années 2000 est l’exemple de dépenses qui ratent leur cible. D’une part, le système de préretraite géré par le fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) est détourné de sa vocation pour faciliter les départs anticipés lors de reconversion d’entreprises industrielles.
Les critères pour en bénéficier sont si flous que la Cour estime que 87 % des allocataires n’étaient pas atteints d’une maladie liée à l’amiante lorsqu’ils sont entrés dans le dispositif. En revanche, des travailleurs qui ne relèvent ni du régime général ni du régime agricole (comme les artisans) passent à travers les mailles du filet. La Cour dénonce les délais excessifs du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.
• Fiscalité du handicap : complexité et incohérence
La Cour épingle l’accumulation « illisible », selon son premier président Didier Migaud, des dispositifs en faveur des personnes handicapées. Au-delà des allocations, des mesures fiscales leur sont accordées à hauteur de 3,5 à 4,7 milliards d’euros, mais sans figurer dans les comptes nationaux.
En outre, elles viennent parfois « cogner » avec les allocations et les niches sociales, en toute incohérence. Elles creuseraient même les inégalités entre personnes handicapées en prenant trop en considération l’origine du handicap et non sa gravité, et en faisant peu de cas des revenus. La Cour demande une meilleure appréhension du nombre de sujets concernés et une révision de l’ensemble des mesures fiscales et sociales.
• Santé des détenus : trop sécuritaire
Vingt ans après la loi de 1994, qui changeait de paradigme en confiant la santé des détenus à des équipes médicales rattachées à des hôpitaux et non à l’administration pénitentiaire, beaucoup de progrès restent à faire. De grandes disparités existent dans la prise en charge des prisonniers pour les soins somatiques, en raison des tensions sur la démographie médicale et du manque d’attractivité de la médecine en prison.
Les soins psychiatriques sont insuffisants : seules 7 des 17 unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) sont ouvertes en 2013. La télémédecine est peu développée.
La Cour dénonce le manque de personnels de santé, malgré leur doublement depuis 1994, une mauvaise coopération des services pénitentiaires et médicaux, l’absence de la mobilisation des agences régionales de santé (ARS), et l’immobilisme des mécanismes de financement. Elle recommande d’inscrire dans la stratégie nationale de santé la situation des détenus comme une priorité, de renforcer l’offre de soins notamment psychiatriques et de redéfinir les modalités de financement. L’inclusion des détenus dans le champ de la couverture maladie universelle (CMU) serait à envisager.
• Sécurité alimentaire : hors de contrôle
Les magistrats de la rue Cambon signalent des contrôles trop peu nombreux du ministère de l’agriculture.
De 600 en 2005, à 6 500 en 2011, ils restent ciblés sur les demandeurs d’aide dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), en délaissant l’arboriculture et le maraîchage.
Les contrôles dans les établissements de production et de transformation de denrées d’origine animale ont diminué de près de 20 % ces 3 dernières années. Et les contrôles sur les produits venant d’autres pays européens sont rares.
En cas de non-conformité, les suites sont peu contraignantes : seulement 16 % des contrôles ont débouché sur des mesures plus graves qu’un avertissement. Comme pour la santé des détenus, la Cour désavoue la diminution des effectifs dans les services déconcentrés.
PPP : des montages trop rapides, au détriment du public
Le rapport revient enfin sur les partenariats publics privés (PPP) lancés entre 2003 et 2007 dans le cadre du plan Hôpital 2007, pour tirer les leçons du passé. Quelque 24 opérations avaient été réalisées pour un investissement de 613 millions d’euros. La précipitation avec laquelle elles furent exécutées explique les dérives constatées : surdimensionnement, rationalisation non aboutie des activités, et contrats déséquilibrés au profit des entreprises privées, face à des acteurs publics mal outillés pour ces négociations.
La Cour recommande d’élaborer une doctrine claire sur l’usage des PPP. « Alors que la ministre de la Santé a annoncé une relance de l’investissement hospitalier, à hauteur de 45 milliards d’euros en 10 ans, il faut protéger les établissements et établir des prérequis solides pour que le dispositif ne dérape pas », a expliqué Antoine Durrleman, président de la 6e chambre, au « Quotidien ».
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