Un moment « décisif » pour la médecine libérale : c'est par un discours empreint de gravité que le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, a ouvert son université d'été devant quelque 150 cadres réunis pendant trois jours sur la presqu'île de Giens (Var), sur le thème de « l'expertise médicale, dernier rempart du médecin ».
Ces derniers mois, les nuages se sont accumulés avec l'adoption d'une loi de santé jugée délétère, la généralisation du tiers payant et une nouvelle convention perçue comme « dogmatique et extrêmement clivante » (entre généralistes et spécialistes, secteur I et secteur II, plateaux techniques et autres spécialités). Pour la CSMF, non-signataire de ce texte, cet accord « ne répondra pas aux défis de la médecine libérale ».
Pour l'histoire
Dans cet environnement pesant, la CSMF s'est d'abord employée à resserrer les rangs. Si la centrale polycatégorielle a refusé la convention, pour la première fois depuis 20 ans, et au prix d'un vif débat interne, c'est parce que ce texte « exclut » et « stigmatise » des pans entiers de la médecine libérale, a expliqué à ses troupes Jean-Paul Ortiz, assumant un choix « historique ».
Ainsi, a illustré le néphrologue, la création d'actes complexes majorés abandonne de nombreuses spécialités, se cantonne à des « situations cliniques limitées » et au seul secteur I... Même déception pour le passage de la consultation à 25 euros « acquis de façon artificielle » ou pour le forfait structure, un « recyclage » d'une partie de la ROSP...
Mais à Giens, la Conf' a déjà tourné cette page. Le syndicat veut se rendre à nouveau incontournable, même en dehors du système conventionnel, en construisant un projet novateur qui valorise l'expertise médicale - d'où les débats prospectifs sur l'intelligence artificielle, le big data, l'ubérisation de la santé ou l'hyperspécialisation, à l'heure où la révolution des NBIC (nanotechnologies, biotechs, informatique et sciences cognitives) percute le métier de médecin... « Si la profession ne bouge pas dans les prochaines années, elle est morte », confie au « Quotidien » le Dr Ortiz.
Changement de logiciel
En l'absence de la ministre de la Santé, le président de la CSMF a prononcé un discours fondateur. Il a jeté les bases d'un nouveau « contrat social » entre les médecins libéraux et la société, au risque de bousculer un peu ses troupes.
Au programme : convergence des secteurs d'exercice (quitte à avoir une part d'activité hors des tarifs conventionnels solvabilisée le cas échéant par les complémentaires) ; débat désormais ouvert sur les transferts de tâches vers d'autres professionnels de santé mais aussi sur la répartition des médecins ; regroupement et travail en équipe (« le médecin seul dans son cabinet est un modèle qui va disparaître »); mais aussi évolution du métier vers l'accompagnement d'une ou plusieurs pathologies chroniques; et nouvelle réflexion sur la place des assureurs complémentaires. Un changement de logiciel complet... « Le monde bouge beaucoup, la CSMF aussi », résumait un cadre un peu désorienté.
Des « entrepreneurs des établissements de soins ambulatoires »
Quelle forme prendra cette médecine libérale de demain ? Et qui pilotera ? Pour la CSMF, pas question d'une organisation aux mains de l'administration. Les praticiens libéraux devront devenir les « entrepreneurs des établissements de soins ambulatoires », avance le Dr Ortiz, leur permettant de contractualiser avec les financeurs - ARS, collectivités locales, etc.
Cette (r)évolution devra s'accompagner d'une mixité des statuts et des lieux d'exercice. « Le médecin de demain n'exercera pas 30 ans dans le même lieu, dans le même cabinet, de la même façon » , a conclu le patron de la CSMF, bien décidé à montrer le cap et à ne pas sombrer dans un « immobilisme mortifère ».
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