« J’ESPÈRE QUE la commission, mise en place par la Direction régionale de la santé (DGS), permettra d’aboutir à une solution plus raisonnable dans ce dossier », explique le Pr Joël Ménard, ancien directeur général de la santé et aujourd’hui professeur émérite de santé publique à l’université René Descartes à Paris. Spécialiste reconnu de l’hypertension artérielle (HTA), le Pr Ménard n’a toujours pas accepté la décision de sortir l’hypertension artérielle (HTA) sévère de la liste des affections de longue durée (ALD). Cette décision a été officialisée en juin 2011 avec la publication d’un décret qui a fait l’effet d’une véritable bombe. « La sortie de ce décret est un exemple d’un dysfonctionnement institutionnel. Cette décision, très importante tant sur le plan médical qu’économique, a été prise sans la moindre concertation avec l’ensemble des administrations et autorités de santé, les professionnels et les malades concernés », souligne le Pr Ménard.
Pour justifier cette décision, le ministère de la santé a mis en avant le fait que l’HTA sévère est la seule ALD à être un facteur de risque et non une pathologie avérée. Cet argument n’a pas convaincu le monde de la médecine générale et de la cardiologie, ni celui de la néphrologie. « L’HTA touche plus de 11 millions de Français dont 4,2 millions sont en ALD. Elle est l’une des causes majeures des accidents vasculaires cérébraux et 50 % des hypertendus sont mal contrôlés », indiquent, dans un communiqué du 28 juin 2011, la Fédération française de cardiologie et l’Alliance du cœur. Selon ces deux organisations, cette décision de « sacrifier l’hypertension artérielle sur l’autel des ALD relève d’une pure logique financière qui, en premier lieu, interdira aux patients de bénéficier de l’exonération du ticket modérateur pour les soins liés au traitement de cette affection ».
De son côté, le Pr Ménard est lui aussi monté très vite au créneau. « Ce que je conteste, c’est le fait d’avoir pris cette décision très lourde pour les malades sans avoir évalué ses conséquences et sans avoir étudié d’autres solutions alternatives. Il est clair que ce retrait de l’ALD 12 (l’HTA sévère) est une sorte de ballon d’essai dans une stratégie plus globale visant à remettre en cause ce système des ALD. Cette stratégie repose sur la conviction que le déficit de la sécurité sociale est principalement lié à ce système d’admission à la longue durée des maladies chroniques. Mais on peut aussi estimer que ce dispositif est une réussite de notre système de santé : c’est grâce à cette prise en charge performante et large des ALD qu’on a vu augmenter le nombre des "malades chroniques" car les gens peuvent se soigner et vivre plus longtemps », indique le Pr Ménard. « Il est légitime, face à l’augmentation des maladies chroniques dans les pays industrialisés, de se poser des questions sur l’évolution des coûts de la santé et de chercher des moyens pour faire des économies. Mais dans cette démarche, il faut absolument concilier la protection de l’individu, surtout celui qui s’inclut difficilement dans le système de protection sociale, et l’équilibre de la société ».
Comme il l’indiquait dans une prise de position, rédigée en juillet 2011, le Pr Ménard tient à donner des arguments à tous ceux qui se mobilisent contre les effets de ce retrait. « Cette décision limite, pour des milliers de nos concitoyens les plus défavorisés, une facilitation d’accès aux traitements complexes d’une maladie grave qui est associée à un plus grand risque de mourir en quelques années », souligne le Pr Ménard.
D’après un entretien avec le Pr Joël Ménard, ancien directeur général de la santé et aujourd’hui professeur émérite de santé publique à l’université René Descartes, Paris.
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