La rémunération à l'épisode de soins n'a pas que des adeptes. Ce nouveau modèle de financement, introduit dans le rapport Charges et produits 2018 de l'assurance-maladie (CNAM) devrait être expérimenté l'année prochaine sur la prothèse totale de hanche dans certaines régions.
Le principe est le suivant : au lieu de payer successivement chaque séquence de soins, le principe sera de rémunérer d'un coup l'ensemble des acteurs hospitaliers et libéraux impliqués en pré et post-hospitalisation (séjour, consultations externes, honoraires médicaux, soins infirmiers, kinésithérapie, fabricants de dispositifs médicaux, etc.) avec un forfait global unique et commun, incluant reprises et complications. En pratique, la Sécu payerait plus cher l’intervention au départ (forfait ajusté au risque constaté) mais les complications éventuelles ne pourraient plus donner lieu à une tarification supplémentaire.
Souci : les premiers concernés, les chirurgiens orthopédistes, sont loin d'être convaincus.
Le conseil national des professionnels (CNP) de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (SOFCOT, qui regroupe les 3 000 spécialistes hospitaliers et libéraux), a fait part à ses membres de ses craintes dans un courrier. Elle y voit, en plus de « la complexité de la mise en œuvre de cette expérimentation », un problème de responsabilité médicale. « Le socle légal de notre responsabilité est la faute par défaut de moyens et non par défaut de résultats, celui-ci restant soumis à l'aléa thérapeutique », écrivent les chirurgiens.Autre risque inhérent à la mise en place de cette rémunération expérimentale :« l'inévitable sélection des patients ».
Dans son courrier, la SOFCOT évoque par ailleurs un mode de financement imposé « sans concertation préalable avec les principaux intéressés ». « Nous aurions souhaité de réelles discussions en amont, afin d'envisager […] de façon réaliste comment des modes de financement innovants peuvent permettre l'adéquation entre réduction des risques, qualité et accès des soins pour tous et économies des finances publiques », conclut la SOFCOT, qui a demandé un moratoire sur le sujet à l'assurance-maladie et au ministère.
Pas forcément plus de qualité
Membre du Syndicat national des chirurgiens orthopédistes (SNCO), le Dr Xavier Dr Gouyou-Beauchamps craint pour sa part que les médecins qui exercent en clinique – sous contrat d'exercice libéral – perdent leur liberté d'action dans la bataille. « En rémunérant à l'épisode de soins, l'établissement va devoir redistribuer l'enveloppe à tous les intervenants, notamment les médecins et le fabricant de la prothèse, explique le Dr Gouyou-Beauchamps au « Quotidien ». Cette enveloppe comprendra aussi les éventuelles complications comme les infections de cette prothèse. »
Une partie de la profession se méfie également du pouvoir accru accordé aux cliniques, désormais détentrice d'une l'enveloppe globale sur un épisode de soins et en charge de sa ventilation. Pourra-t-elle choisir de contractualiser avec tel fabricant de prothèse plutôt que tel autre, voire décider unilatéralement des patients à opérer ou non ? Selon le Dr Gouyou-Beauchamps, en extrapolant, cela pourrait arriver « au sein de grand groupe de cliniques, où l'établissement qui va toucher une somme pour une opération n'aura pas envie de prendre en charge les patients les plus fragiles avec des complications », qui se verraient renvoyer vers le secteur public hospitalier.
Surtout, pour le chirurgien de Bergerac, rémunérer à l'épisode de soins n'est pas forcément synonyme d'une meilleure qualité des soins. « Avec cette expérimentation, on a l'impression que la complication est une faute technique, et que l'enjeu financier va contribuer à une meilleure qualité, poursuit-il. Mais d'un point de vue déontologique et assurantiel, nous avons déjà plein de raisons d'éviter les complications, cela ne va donc rien changer. »
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes