« Conditionner une partie des rémunérations des médecins au développement de la permanence des soins, de l'extension des honoraires d'ouverture et de la réponse de soins non programmés ». Cette recommandation plutôt décoiffante de la Cour des comptes dans son rapport sur l'avenir de l'assurance maladie n'est pas le fruit du hasard, même si elle a provoqué un tollé dans la profession.
L'institution de la rue Cambon fait valoir qu'avec plus de vingt millions de passages en 2015, les services d'urgences sont complètement saturés. Entre 1990 et 2001, la fréquentation a doublé avant de bondir à nouveau de 41 % depuis cette année-là. Or, selon les sages, les coûts générés par des « urgences évitables » sont compris entre 654 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros (2015). Si les urgences avaient été prises en charge par la médecine de ville, la facture aurait été comprise entre 434 millions d'euros et 800,7 millions d'euros.
Selon la Cour, qui reprend ici un très récent rapport du Sénat sur la saturation des urgences, c'est notamment le manque de disponibilité des médecins de ville, en particulier tôt le matin ou en soirée, ainsi que la réduction des gardes et des visites à domicile, qui expliquent cette surfréquentation des urgences hospitalières.
Sans reprendre toutes les propositions des sénateurs, la Cour des comptes recommande la méthode forte, en faisant le lien entre rémunération et présence médicale élargie.
Irrespect
Idée « simpliste », recettes « éculées » : plusieurs syndicats (CSMF, FMF et SML) ont aussitôt protesté. MG-France enchérit ce jeudi. « C'est aberrant. La Cour ne comprend pas que le problème des urgences n'est pas lié à la PDS », réagit le Dr Jacques Battistoni. Le premier vice-président du syndicat de généralistes rappelle que « l'engorgement a lieu surtout dans la journée et qu'il est lié à la démographie médicale ». « L'important est de donner aux médecins les moyens pour répondre aux demandes de soins non programmés dans la journée », ajoute-il.
Pour désengorger les urgences hospitalières, le SML soutient de son côté l’idée d’un « filtre » afin d’orienter davantage vers le dispositif de permanence des soins libérale organisé.
De leur côté, les représentants des carabins, internes, chefs et jeunes généralistes (ANEMF, ISNI, ISNAR-IMG, l’ISNCCA, et ReAGJIR) ont exprimé tous ensemble leur agacement. « Demander à des praticiens libéraux déjà en tension d’ouvrir leur cabinet pour assurer un service d’accueil des urgences le soir est une marque d’irrespect envers les professionnels », déplorent-ils en chœur. « Ce type de propositions met une nouvelle fois à mal l’attractivité de la médecine de proximité et n’encourage pas l’installation ».
Informer les patients
Présidente de ReAGJIR (Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants), le Dr Sophie Augros milite pour l'éducation des patients. « Les médecins sont organisés pour assurer leurs gardes. Dans tous les territoires, les maisons médicales de garde sont ouvertes jusqu'à minuit ! Avant des contraintes, il faut informer les patients sur le numéro à appeler en cas d'urgence et sur les gardes des médecins libéraux ».
Que pensent justement les patients de cette idée de conditionner une partie de la rémunération à la PDS ? « Avant le bâton, mieux vaut privilégier les solutions consensuelles en réunissant tout le monde autour de la table », commente Gérard Raymond, vice-président de France Assos Santé. De là à penser que la Cour des comptes a franchi la ligne jaune…
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