› TRIBUNE LIBRE
LES ÉTABLISSEMENTS de soins et les médecins spécialistes libéraux sont soumis depuis plusieurs années à des autorisations, des agréments et des accréditations du ressort des services de l’État et de Commissions de la « démocratie sanitaire » dont les membres, issus en très grande majorité de la fonction publique, favorisent ouvertement leur chapelle.
On comprend d’emblée que l’affaire est compliquée depuis quelques années pour l’hospitalisation privée et les praticiens libéraux. Mais l’arrivée récente au ministère de la Santé d’une équipe idéologiquement très engagée, militant depuis longtemps pour une médecine publique et gratuite, entraîne une radicalisation des postures qui nous fait craindre le pire à moyen terme. (...)
Tarifs bridés.
Force est de constater que tous les établissements de soins français, publics et privés, présentent un bilan financier précaire ou franchement déficitaire car les prestations médicales et chirurgicales ne sont pas payées à leur juste prix afin de minorer artificiellement la facture globale des dépenses de santé.
Malheureusement, les établissements privés ne bénéficient ni de la tolérance et de l’accompagnement privilégiés de l’État, ni de bienheureuses rallonges budgétaires annuelles qui épongent l’essentiel du déficit de l’année écoulée, permettant de voler vers un nouvel exercice tout aussi déficitaire que les précédents.
Les tarifs à l’activité de l’hospitalisation privée sont volontairement bridés et notoirement insuffisants au regard des charges croissantes et d’une réglementation chaque année plus lourde et budgétivore.
Les déficits se cumulent année après année. La proportion de nos cliniques en graves difficultés devient alarmante et leur maintien à niveau est de plus en plus problématique. (...)
La situation préoccupante des finances publiques interdit bien sûr au gouvernement d’assumer pleinement sa politique hospitalocentrée qui nécessiterait de racheter les cliniques et de prendre en charge les personnels et les praticiens ; au total plus de 350 000 personnes. Dans ces conditions, l’option choisie, ou acceptée, est un étranglement financier progressif de l’hospitalisation privée sans bourse délier. La méthode est plus longue, peu élégante, inique, mais surtout faussement économique car aveuglée par des considérations obsolètes.
Écosystème.
Les conséquences en cascade d’une défection de l’hospitalisation privée sont considérables.
L’évolution technologique et réglementaire de la médecine est telle que les spécialités sont maintenant étroitement dépendantes des établissements de soins. Les difficultés des cliniques impactent donc directement les praticiens. Non seulement les chirurgiens libéraux qui actuellement réalisent plus de la moitié de l’activité chirurgicale globale (55 % en Côte-d’Or et 60 % en Saône-et-Loire), mais aussi tous les autres spécialistes dont les bilans diagnostiques de plus en plus lourds, les explorations endoscopiques et certains traitements passent nécessairement par une période d’hospitalisation.
La médecine libérale est un écosystème complexe liant étroitement les médecins généralistes et leurs correspondants des différentes spécialités dans un indispensable dialogue journalier. Échange fécond, fruit d’une longue pratique où les habitudes, les liens humains et le professionnalisme sont indissociables. La France aurait tort de se priver d’un système qui est la cheville ouvrière de l’offre de soins depuis des décennies. Les médecins libéraux travaillent avec efficience et célérité, à coûts maîtrisés, au contact direct des patients avec lesquels ils passent dans la durée un accord de gré à gré. Les consultations se font dans des conditions d’accueil et de confort honorables, sans retard outrancier, dans des plages horaires étendues, en adéquation avec les activités personnelles et professionnelles des patients, dans un climat de convivialité forgé par l’ancienneté de la prise en charge du praticien. (...)
Que les CHU gardent les trois missions quasi régaliennes que sont la prise en charge de dernier recours, la formation hospitalo-universitaire et la recherche. L’hôpital public devrait aussi prendre conscience que la juxtaposition des deux secteurs public et privé a créé une bénéfique émulation sans laquelle l’évolution du secteur hospitalier eut été moins favorable. Que de plateaux techniques attribués pour garder la tête du peloton ? De nombreuses techniques comme l’endoscopie, la microchirurgie et la chirurgie ambulatoire ont été initiées et développées par le privé amenant le secteur public à s’adapter secondairement.
Mais de grâce, laissons la médecine libérale et l’hospitalisation privée continuer à assumer très honorablement une part importante de l’activité médicale de notre pays dans les conditions d’efficience que nous avons vues plus haut. (...)
Que chacun reste à sa juste place comme c’était le cas il y a quelques décennies quand aucune des deux parties ne désirait empiéter sur le territoire de l’autre, coexistant et coopérant dans un esprit d’échange fructueux et de respect mutuel, pour assurer ensemble une couverture médicale de qualité à la population.
Le texte intégral de cette tribune est en ligne sur www.urps-med-bourgogne.org
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