LE DR LAURENT ALEXANDRE l’affirme sans ambages. « Aujourd’hui et pour la première fois, on ne peut plus exercer la médecine sans informatique ». Pour le fondateur du site « Doctissimo », qui intervenait dans le cadre des 4es Assises des technologies numériques de santé, « la résistance des professionnels de santé n’est plus tenable, ils doivent s’approprier ces nouvelles technologies ». Avec une mise en garde claire à la clé : l’intrusion du numérique dans le domaine de la santé « va redistribuer le pouvoir médical vers ceux qui ont le pouvoir informatique ».
Le nuage est partout.
À l’entendre, les clés de ce nouveau pouvoir ne sont pas entre les mains des Français. Le stockage des données médicales notamment est un genre dans lequel excellent les Américains, à travers le « cloud computing » (qui consiste à stocker sur des serveurs distants des données numérisées habituellement enregistrées sur des serveurs locaux ou sur le poste de l’utilisateur). Or, l’imagerie médicale pèse de plus en plus lourd, tout comme les données de santé en général. Cela nécessite des capacités de stockage dont ne disposent pas la plupart des établissements. René Caillet, de la Fédération hospitalière de France (FHF), le reconnaît lui-même. « Dans les hôpitaux publics, il faudrait un milliard d’euros d’investissement sur les systèmes d’information en santé pour être à niveau, mais ce milliard n’est pas là ».
La charrue avant les bœufs.
Autre motif d’inquiétude pour nombre d’experts : la capacité des infrastructures françaises à faire circuler très rapidement l’information numérique. Certains départements disposent de la fibre optique, d’autres pas. Et dans les zones rurales, il est souvent difficile de transmettre des fichiers volumineux. « En France on parle beaucoup de télé santé mais sans trop se préoccuper de savoir si les infrastructures sont suffisantes », regrette Patrice Cristofini, responsable des ventes du département santé de Huawei, n°2 mondial des équipementiers en télécommunications. À l’inverse, dans les pays émergents, « la e-santé explose, selon lui, car ils commencent par développer les infrastructures avant les applications ».
Lecteur de glycémie et smartphone.
Tout n’est pas sombre. Les assises ont témoigné de cette révolution numérique au service de solutions thérapeutiques (lire aussi ci-dessous), facilitant la vie des patients et le travail des soignants.
Le dernier lecteur de glycémie de Sanofi, IBG Star, est un exemple. Il se connecte à un smartphone ou à une tablette, affiche les données et l’historique, et les envoie au médecin, à l’établissement de santé, voire au nutritionniste. Comme tout lecteur de glycémie, il peut fonctionner sans le smartphone, celui-ci ne servant que pour la transmission instantanée des données.
D’autres innovations voient le jour. Un patient doit prendre un médicament dès qu’il arrive chez lui ou à son bureau ? Grâce à la géolocalisation, il est alerté par SMS dès qu’il s’approche de l’un de ses lieux.
Selon Jérôme Stevens, directeur général de Direct Medica, une expérimentation est en cours à l’Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP). Le patient effectue des examens biologiques entre deux séances de chimiothérapie et les résultats sont envoyés directement à l’HEGP. « Avec ce système, tout est prêt quand le patient revient pour une nouvelle séance. C’est la chimio qui attend le patient à l’HEGP et non l’inverse », assure-t-il.
La grande bataille du numérique en santé n’est pas gagnée. Comme le rappelle le Dr Jean-François Thébaut, membre du collège de la Haute Autorité de Santé (HAS), des résistances restent à surmonter. « En France, les professionnels de santé restent notoirement sous-équipés en informatique, regrette-t-il, même si la dernière convention les incite financièrement à le faire ».
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