À moins de cent jours de l'élection présidentielle, l'Institut Montaigne publie une note détaillée intitulée « Santé 2022 : tout un programme » en se basant sur ses précédents rapports. Tirant les enseignements de la crise sanitaire, le think tank libéral identifie les réformes prioritaires autour de quatre axes : le rôle actif des patients dans le parcours de soins, l’innovation technologique et thérapeutique, la gouvernance de la filière santé et les politiques de prévention à mener prioritairement en santé mentale et pour le bien vieillir. « Nous avons choisi ces sujets car ils sont un peu en dehors du débat actuel », justifie Laure Millet, responsable du programme santé de l’Institut Montaigne et auteure de la note.
Task force des indicateurs
L'implication accrue des patients dans les parcours de soins est un enjeu qualitatif majeur. Cela suppose l'accès à une « information claire, complète et transparente, accessible à tous les Français », information pas suffisamment « organisée et lisible ». Pour changer la donne, le recours à de nouveaux indicateurs de qualité des soins est recommandé. Pour l'Institut Montaigne, ceux qui existent, développés par la Haute autorité de santé (HAS), restent « incomplets » et « ne reflètent pas les préoccupations des patients », peu impliqués.
Pour y remédier, le think tank suggère de créer une « task force » réunissant « parties prenantes et experts » pour définir et valider des indicateurs de résultats, pathologie par pathologie. Des groupes de travail associeraient le Conseil national professionnel (CNP) de la pathologie concernée et les associations de patients dans l’aire thérapeutique visée, ou des usagers désignés par France Assos Santé. « Les données récoltées devront être rendues accessibles pour permettre aux patients de s’en servir pour choisir leur hôpital ou leur professionnel de santé », plaide le think tank.
Ces indicateurs (taux de mortalité, de réhospitalisations, etc.) devraient être intégrés dans les mécanismes de rémunération incitative en ville (ROSP) ou à l'hôpital et dans les régimes d'autorisations de soins des établissements. « Ce chantier permettrait de redonner du sens à la pratique médicale si on arrive à mobiliser à la fois les associations de patients et les sociétés savantes de médecins », analyse Laure Millet.
Réduire la fracture digitale
Les usages du numérique en santé qui ont explosé pendant la crise sanitaire (téléconsultation, télé-expertise…) devraient devenir « la colonne vertébrale du parcours de santé de demain », imagine l'Institut Montaigne, qui en fait son deuxième chantier.
Mais pour augmenter la dose de e-santé, les patients comme les professionnels devraient être mieux accompagnés et formés dans l'adoption des solutions numériques les plus pertinentes. Si la feuille de route du numérique en santé (depuis 2019) et les moyens consacrés par le Ségur en 2020 (deux milliards d'euros) ont permis des avancées, « il est impératif de réduire la fracture numérique et de lutter contre l'illectronisme pour que l'ensemble des patients aient accès à de nouvelles technologies, tout en formant les professionnels de santé », plaide-t-il. Pour les étudiants par exemple, le think tank recommande d'introduire dans le cursus « des modules obligatoires » de formation aux outils digitaux qui facilitent la coordination des soins.
Approche territoriale
L'Institut Montaigne plaide pour une refonte de la gouvernance en santé. Objectif : une approche territoriale plus fine, au plus près des besoins, organisée autour des acteurs locaux (ville, hôpital, médico-social) dans le cadre du « principe de responsabilité populationnelle ». Aujourd’hui, des programmes pilotes sont expérimentés par la FHF dans cinq territoires et pour deux pathologies (diabète et insuffisance cardiaque). L'Institut Montaigne recommande d'élargir cette réorganisation territoriale des parcours de soins pour trois nouvelles pathologies d'ici à 2023.
Dernier chantier : muscler les politiques de prévention en matière de santé mentale et de bien-vieilllir. « Le médecin traitant a ici un rôle clé », souligne Laure Millet. Dans le domaine de la santé mentale, premier poste de dépenses de l’Assurance-maladie, « les patients demeurent mal diagnostiqués et pris en charge tardivement », indique la note. En première ligne, les généralistes souffrent d'un défaut de formation : seuls 50 % d’entre eux connaissent les outils de repérage et d’évaluation de la dépression, avance le think tank. Il propose de donner des moyens supplémentaires à la médecine de premiers recours comme des « outils cliniques et rapides pour repérer de façon systématique les troubles psychiques ». Autre piste : une rémunération plus incitative en intégrant le dépistage et la détection des troubles anxieux dans les indicateurs de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP).
Même plaidoyer pour prévenir la dépendance. L'Institut Montaigne suggère de créer une « visite de prévention » entre le médecin traitant et le patient à un moment clé du parcours de soins. Le think tank recommande, une fois encore, d'intégrer l'indicateur « perte d'autonomie » dans la rémunération sur objectifs. « Nous savons que le temps médical est une denrée très précieuse, commente l'auteure de la note sur la santé. Mais nous devons impliquer les professionnels pour améliorer la pratique ».
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