C’était mieux avant. Voilà une phrase que je déteste et que j’ai toujours entendue dans la bouche de personnes dépassées par le progrès ou la nouveauté. Et pourtant, j’ai cette impression chevillée au corps que c’était mieux avant.
Un institut public disparu entièrement dédié à la mise en œuvre de la prévention primaire et secondaire… Avant même que la démocratie sanitaire n’existe concrètement, l’Inpes plaçait déjà les personnes concernées autour de la table. Les programmes étaient travaillés jusqu’à l’obtention d’un consensus.
Rappelez-vous cette fameuse campagne : « Des traces d'acide cyanhydrique, de mercure, d'acétone et d'ammoniac ont été décelées dans un produit de consommation courante » avec renvoi vers un simple numéro de téléphone pour obtenir de l’information… 900 000 appels dans le week-end [1]. La révélation, quelques jours après, présentait le produit en question : la cigarette. On en faisait même l’anatomie dans une affichette présentant sa dissection… Frapper les esprits. Les 5 fruits et légumes par jour, toujours présents dans les salles d’attente des médecins… Quant à la prévention VIH, adaptée aux modes de vies et aux pratiques sexuelles des personnes, l’État allait même jusqu’à financer des campagnes assez crues, avouons-le, sans les signer. Pas de jugement de valeur, pas de croyances limitantes.
On s’attachait aussi au développement des compétences psychosociales. Avec notamment des mallettes pédagogiques pour les enseignants du primaire. Ces deux visions de la prévention, l’une intégrative dans la vie de tous les jours, l’autre ciblée sur un type de maladie s’affrontaient d’ailleurs souvent. Elles étaient pourtant complémentaires.
Quelle présence sur internet pour les sites publics ?
Et puis, Internet s’est développé. Si l’on se penche sur la santé sexuelle, onSexprime.fr s’adresse aux jeunes depuis plus de 10 ans. Depuis, deux nouveaux sites ont vu le jour, Sexosafe, QuestionSexualité sur des cibles différentes. Les internautes concernés se dirigent-ils vers ces sites pour avoir de l’information ? Je ne connais pas les statistiques. Mais il suffit d’interroger google pour voir que l’on ne tombe pas en première intention sur des sites d’État. Quid de sante.fr qui est censé référencer l’ensemble des actions publiques en santé, et dans lequel le mot clé « sexualité » ne fait apparaître aucun des sites pré-cités ?
L’Assurance Maladie se joint au tableau. Cette année, une vraie avancée dans la prévention du cancer colorectal. Impossible d’y échapper en mars ! Les plus de 50 ans reçoivent une lettre d’incitation au dépistage gratuit. Le test peut être trouvé en pharmacie ou demandé en ligne et envoyé chez soi. Vous imaginez le progrès que cela représente ? Une logistique gigantesque qui se met en place.
Malgré cela et malgré le fait que l’Assurance maladie se charge de la promotion de la vaccination antigrippale depuis toujours, l’affiche incitant à la vaccination que j’ai vue cette année en pharmacie venait… d’un laboratoire pharmaceutique. Les initiatives privées dans le secteur de la prévention pleuvent, comblant les trous dans la raquette. D’abord, la prévention est un levier efficace pour les laboratoires très contraints dans leur communication. Et les groupes mutualistes ont intérêt à favoriser une prévention efficace. Ne soyons pas uniquement cyniques, nombre d’entre eux croient vraiment dans la prévention et veulent être utiles. Dans tous les cas, certes, cela sert l’image de marque.
Enfin, il y a les associations, toujours présentes, merci à elles, comme Mon réseau cancer colorectal, qui participe à la promotion du dépistage de cette maladie, ou encore les fonds de dotation opérationnels, comme Agir pour le cœur des femmes pour prévenir les maladies cardiovasculaires chez ces dernières.
Revenons à la prévention institutionnelle. Quand l’Institut de Prévention et d’Éducation pour la Santé a fusionné avec l’Institut de Veille Sanitaire, les mots Prévention et Éducation ont disparu de la circulation… au profit de Santé Publique France. Si l’on regarde les dernières actualités sur son site, le Covid et les alertes sanitaires tiennent le haut du tableau. La gestion de l’urgence, si nécessaire ces dernières années, a pris le pas, ou en tout cas la vedette, sur la prévention hors Covid. Alors oui, pour une fois, je pense que c’était mieux avant : quand l’État affichait la prévention comme une entité à part entière. Je suis grandement favorable à la (re)création d’un vaste Institut Interministériel de promotion et recherche (car il en faut aussi sur ce sujet) en prévention et en éducation pour la santé. Le tout, avec les moyens suffisants car le budget de fonctionnement de la prévention institutionnelle est resté inférieur à 0,2 % de son PIB depuis plus de 10 ans.[2]
EXERGUE : Je suis favorable à la (re)création d’un vaste Institut Interministériel de promotion et recherche en prévention et en éducation pour la santé
[1] Tabac : une campagne pour inquiéter les Français | Les Echos
[2] https://www.vie-publique.fr/rapport/284241-dessiner-la-sante-publique-d…
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