Favorable à l’ouverture à la PMA pour toutes les femmes, le candidat Macron, une fois élu, a souhaité « un débat apaisé ». Dans un domaine aussi complexe, aussi sensible pour l’opinion, la précipitation n’est pas de mise. Mais l’affirmation récente du gouvernement « qu’il n’y a pas le début d’un commencement de mollissement (sic) sur cette question » est de mauvais augure.
Il risque d’ailleurs de le regretter, car les attentes qu’ont suscitées le débat parlementaire et sa médiatisation, et l’avis du CCNE ne pourront pas être satisfaites.
Avant de créer « un nouveau droit », le législateur doit faire preuve d’une prudence extrême. Il a la volonté d’apporter, par la loi, une – ou des – réponse(s) – aux attentes de la société, et aux besoins des citoyens. Mais il doit aussi s’assurer que les moyens de les satisfaire sont en place.
À l’évidence, il ne sera pas possible d’appliquer « le droit à la PMA pour tous », ni demain, ni après-demain. Cette impossibilité ne sera due ni à un manque de volonté politique, ni à des blocages idéologiques, ni à des arguties juridiques, ni même à un manque de moyens financiers. Cette impossibilité sera « de nature économique ».
Allongement de la liste d'attente
Il est regrettable que « les études préalables de faisabilité » et la méthode d’analyse mise en place par le CCNE n’aient pas pris en considération les données suivantes.
Dans le cadre de l’application de la législation actuelle, régissant les indications de la PMA – infertilité d’un couple, homme et femme, vivant, et en âge de procréer – 2 700 couples sont en attente, une attente d’un ou deux ans. Or le nombre de donneurs de sperme diminue : 400 en 2009, 235 en 2012.
Ainsi « l’offre ne suffit pas à satisfaire la demande » et la loi en préparation va, soudainement, accroître la demande. A-t-on une idée du nombre de lesbiennes qui revendiqueront ce nouveau droit ? Qu’à cela ne tienne, « il suffit d’augmenter l’offre », dira-t-on naturellement. Pas si simple !
L’expérience que j’ai acquise durant plus de 20 ans en matière de transplantation rénale m’a convaincu de l’intérêt des campagnes d’appel au don d’organe, mais j’en ai découvert les limites. Je connais les dévoiements qu’entraînent, dans ces domaines vitaux, les écarts entre l’offre et la demande, C’est le trafic d’organes et le « marché noir ».
Dans les conditions actuelles, la promotion du don de sperme est légitime. Elle n’a pas empêché la diminution du nombre de dons signalée plus haut. Peut-on alors augmenter le nombre d’enfants à naître, par donneur, actuellement limité à dix pour éviter tout risque de consanguinité ? Les généticiens s’y opposeront avec raison.
L’ouverture à la PMA pour toutes les femmes aura inéluctablement, pour effet immédiat, l’allongement de la durée, et donc, de la liste d’attente. Qui en assurera la gestion ? Sans doute l’Agence de Biomédecine. Et quels seront les critères de priorité ? Pour les transplantations, l’affectation des organes est décidée en fonction de la gravité de l’état des malades et de la compatibilité tissulaire entre donneur et receveur. Demain, avec des attentes aussi disparates, quels seront les critères permettant une gestion « équitable » des dons de sperme ?
Un commerçant qui lancerait à grands frais une campagne de promotion d’un nouveau produit, et dont les rayons seraient dégarnis, serait condamné pour publicité mensongère… Faute d’y avoir songé plus tôt, il appartient au Parlement d’apporter des réponses à ces questions embarrassantes. Il ne reste plus que quelque mois.
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes