Le gouvernement a dévoilé ce mardi les grands axes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, budget hors normes secoué par la crise sanitaire. Après un déficit record des comptes de la Sécu estimé à 44,4 milliards d'euros cette année, une nouvelle perte de 27 milliards est attendue en 2021 (régime général + FSV).
Du côté de la branche maladie, exsangue cette année avec un « trou » proche de 30 milliards, tout a été révisé à la hauteur de la crise : les dépenses bondiront de 7,6 % en 2020 et devraient progresser encore de 3,5 % à champ constant l'an prochain (par rapport à l'objectif 2020 rectifié), à hauteur de 224,6 milliards d'euros, niveau inédit depuis plus de quinze ans. À l’intérieur de cette enveloppe, les soins de ville progresseront de 5,8 % en 2021 et les dépenses hospitalières de 5,2 %. Revue de détails des mesures phares.
Effet Ségur
Le PLFSS 2021 traduit une partie des mesures négociées cet été dans le cadre du Ségur de la santé.
On y retrouve la revalorisation de 183 euros net des salaires des personnels non médicaux des hôpitaux publics, des EHPAD et, dans une moindre mesure, des cliniques privées. À l'hôpital, cet effort prendra la forme d'un complément de traitement indiciaire (CTI) sous la forme de points supplémentaires versés, à titre rétroactif, à partir du 1er septembre 2020 (90 euros net) puis au 1er mars 2021 (93 euros net). 765 000 agents hospitaliers sont concernés. Le gouvernement fait le pari que ces augmentations salariales vont restaurer l'attractivité des établissements, ce qui leur permettra ensuite d'aménager l’organisation du temps de travail, « au travers d’accords locaux » (heures sup', annualisation, forfait jour). L’intéressement collectif des équipes permettra également de valoriser les projets conduits. Tous secteurs et établissements, ce volet salarial se chiffre à 8,8 milliards d'euros pour 2020/2023 (5,8 milliards pour 2021).
Autre traduction : l'enveloppe de 19 milliards d'euros pour l'investissement hospitalier. Cette enveloppe intègre d'abord la reprise de dette de 13 milliards versée aux établissements « sur une durée maximale de 15 ans » (avec part socle de 20% et part modulable de 80%). L'autre pilier concerne 6 milliards d'euros fléchés vers des projets hospitaliers prioritaires et les projets ville-hôpital (500 millions d'euros en 2021), le numérique (1,4 milliard d'euros sur trois ans) ou encore la rénovation des établissements médico-sociaux (2,1 milliards d'euros sur cinq ans).
Forfait patient urgences et financement populationnel
Ce PLFSS contient aussi des mesures défendues de longue date par Olivier Véran. Pour désengorger les urgences, en complément du forfait de réorientation expérimental vers la ville (et de la réforme en cours du financement), le gouvernement introduit la création d'un forfait patient urgences (FPU). Il s'agit d'une participation forfaitaire pour les patients en cas de passage aux urgences non suivi d’hospitalisation, en lieu et place du ticket modérateur proportionnel actuellement exigible. « La mise en place d’un tel forfait permettra, pour le patient, de limiter les situations de reste à charge très élevé et d’améliorer la lisibilité des coûts de prise en charge et, pour les établissements, de simplifier la facturation et d’améliorer le recouvrement. […] Les patients bénéficiant par ailleurs d’un régime d’exonération de ticket modérateur se verront appliquer un montant minoré », lit-on.
On trouve aussi dans ce budget une expérimentation de cinq ans d'un modèle mixte de financement populationnel des activités hospitalières de médecine, alternatif à la tarification à l'activité (T2A) intégrale. Cette expérimentation inclut une dotation à la qualité et une dotation dite populationnelle, définie sur des critères de besoins de soins des patients sur un territoire donné. L'objectif du gouvernement est de ramener à 50 % l'activité financée par la T2A d'ici à 2022. Une « dotation socle » sera distribuée l'année prochaine aux hôpitaux qui s'engagent dans cette démarche (après contractualisation avec les ARS) « en préfiguration du financement populationnel ».
Télémédecine, la dérogation du 100 % prolongée
La prise en charge à 100 % par l'Assurance-maladie du remboursement des actes de téléconsultation est poursuivie pendant deux ans. « Cette prolongation permettra aux professionnels de santé de s’équiper des outils nécessaires à la facturation et au paiement à distance des téléconsultations », précise le gouvernement.
Le PLFSS 2021 pérennise les maisons de naissance, un choix éclairé par une étude récente confirmant que les huit structures expérimentales existantes présentent un niveau de sécurité satisfaisant pour être généralisées. Ces structures associées à un hôpital mais dépourvues de médecins assurent de façon autonome le suivi des grossesses, de l'accouchement et de ses suites, sous la responsabilité exclusive de sages-femmes. Douze nouvelles maisons sont attendues.
Dernière prise en charge alternative : un « soutien » financier au développement des hôtels hospitaliers, ces hébergements non médicalisés expérimentés à proximité des hôpitaux et proposés sur prescription médicale, est prévu mais non chiffré pour l'instant.
Crise sanitaire : 4,3 milliards pour les tests, masques et vaccins
Un large volet de ce budget de la Sécu est consacré au financement des mesures propres à la crise sanitaire. 4,3 milliards d'euros sont provisionnés dans l'ONDAM 2021 au titre des tests, masques et futurs vaccins. Mais cette provision reste évidemment très incertaine.
Comme annoncé, les complémentaires santé devront payer une surtaxe Covid de 1,5 milliard d'euros (un milliard d'euros en 2021 et 500 millions d'euros en 2021). La Sécu remboursera en particulier aux pharmaciens le coût d'achat des masques et leur délivrance à hauteur de 700 millions d'euros prévus dans les dépenses 2021.
Cinquième branche de la Sécu et congé paternité doublé
Le PLFSS acte la création d'une cinquième branche de la Sécu pour le soutien à l'autonomie, au sein du régime général, et gérée par la CNSA. Le gouvernement a souhaité que cette branche soit « à l'équilibre » dès son démarrage grâce au financement par la CSG des mesures de revalorisation salariale dans les EHPAD. « Le contenu de cette branche pourra être enrichi par le débat parlementaire », a précisé Olivier Véran. D'ores et déjà, 2,5 milliards de mesures nouvelles sont programmées pour 2021. À compter de 2024, la réaffectation d'une fraction de CSG doit procurer 2,3 milliards d'euros par an.
Est également confirmé l'allongement du congé paternité jusqu'à 28 jours à compter de juillet 2021, dont 7 jours obligatoires immédiatement après la naissance. Coût de la mesure : 520 millions d'euros par an, sauf l'année de l'entrée en vigueur (260 millions d'euros).
Matériel médical : encadrement qualité
La prise en charge par l'Assurance-maladie des produits des prestataires de services et distributeurs de matériel (PSDM), acteurs essentiels du maintien ou du retour à domicile (notamment dans les champs de la perfusion, insulinothérapie, handicap, assistance respiratoire, etc.) sera « conditionnée » à une certification sur la base d'un référentiel qualité élaboré par la Haute Autorité de santé (HAS). Le secteur a jusqu'à fin 2022 pour se mettre en conformité.
Médecine de ville : convention prolongée et réforme du financement des syndicats !
Le PLFSS prolonge d'un an et demi l'échéance de la convention médicale actuelle. De fait, les négociations – à cadre légal inchangé – auraient dû normalement s'ouvrir en janvier 2021 (tous les cinq ans). Mais les négos en cours pour décliner le volet libéral du Ségur de la santé (télémédecine, spécialités, soins non programmés) et la campagne qui va débuter pour les élections aux URPS (avril 2021), ont motivé ce report de la négociation de la prochaine convention.
Par ailleurs, le PLFSS pose le principe d'un « financement pérenne » des syndicats, une petite révolution. La subvention proviendra d'une « fraction » de l'actuelle contribution aux URPS payée par les libéraux de santé et d'une « dotation » de la CNAM pour la participation des syndicats aux activités conventionnelles. Ce nouveau circuit doit faire l'objet d'une concertation au premier semestre 2021.
Économies : 4 milliards d'euros prévus
Au chapitre des économies enfin, le gouvernement a prévu un train de mesures (médicaments, pertinence, transports, IJ, etc.) pour un montant global de 4 milliards d'euros. On notera en particulier 640 millions de baisses de prix des médicaments, 110 millions sur les génériques et biosimilaires, 125 millions d'euros sur les transports et 185 millions sur les IJ. La maîtrise dite médicalisée doit procurer 570 millions d'euros.

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