La Cour des comptes recommande la fermeture des petites maternités n’offrant pas toutes les garanties de sécurité.
Pour avoir exercé la profession de gynécologue-obstétricien pendant 3 décennies à la fois dans le public, le privé et dans le privé à but non lucratif, je pense pouvoir apporter quelques précisions et mettre à jour l’hypocrisie de nos gouvernants, Madame Marisol Touraine en tête, et sans doute les agences régionales de santé, ainsi que les Cours régionales de comptes.
Il y a quelque temps encore, dans un établissement « réputé » à but non lucratif assurant 3 000 accouchements par an, étaient sur place lors des gardes de nuit et de week-end :
- 1 gynécologue-obstétricien, qui n’avait pas toujours la qualification chirurgicale,
- 1 sage-femme,
- 1 anesthésiste,
mais pas d’infirmière aide anesthésiste, pas d’aide opératoire, pas de pédiatre, ni de laboratoire dans l’établissement (un coursier extérieur était sollicité en cas d’urgence pour véhiculer les prélèvements).
Par contre, dans bon nombre de petites structures provinciales publiques, étaient sur place :
- la sage-femme,
- l’infirmière aide anesthésiste,
- le laboratoire d’analyses médicales,
- parfois le médecin anesthésiste,
- plus rarement le gynécologue-obstétricien, l’aide opératoire et le pédiatre.
Le personnel qui était sur place était en « astreinte opérationnelle » !!!
Cela signifie que ces intervenants étaient à leur domicile, et à même d’intervenir dans des délais brefs en cas de nécessité. Dans l’urgence absolue, telle une hémorragie massive de la délivrance, sage-femme et infirmière aide anesthésiste étaient habilitées à faire immédiatement les gestes salvateurs, tout en appelant les médecins de garde.
Il y a quelques années, tout praticien hospitalier titulaire avait une « obligation de résidence », en d’autres termes d’habiter à proximité de son lieu d’exercice. Cette disposition nécessaire à leur nomination a disparu. De ce fait, bon nombre de médecins ont décidé de résider plus ou moins loin de leur service hospitalier. Pour assurer la pérennité d’une présence médicale, la plupart des hôpitaux ont mis, gracieusement qui plus est, un studio à la disposition du praticien de garde.
Faut-il pour autant accepter que ces praticiens bénéficient du tarif « de garde sur place » alors qu’elle n’a dans bon nombre de cas aucune justification médicale ? Dans laquelle de ces structures la sécurité est-elle assurée de manière la plus satisfaisante ? La Cour des comptes a-t-elle vocation et compétences pour apprécier si telle ou telle structure hospitalière offre les garanties de sécurité voulues ?
Je n’en suis pas sûr.
Quid des deniers publics ?
Par contre, cette institution a manifestement vocation à s’assurer que les deniers publics sont correctement utilisés, et à éviter des gaspillages, voire des utilisations frauduleuses de l’argent public.
En conséquence… Le directeur de l’établissement, avec la complicité tacite du président du conseil d’administration, du président de la CME, du chef de pôle ou du chef de service, propose très souvent à ces praticiens, en premier lieu à l’anesthésiste, des gardes sur place, rémunérées de 500 à 800 euros/24 heures, voire d’avantage, soit 8 à 10 fois le tarif de l’astreinte opérationnelle.
Bien souvent, les praticiens titulaires en profitent pour demander, voir exiger un régime équivalent pour eux-mêmes et les autres praticiens titulaires. Le plus souvent, c’est à prendre ou à laisser, tout particulièrement pour les anesthésistes !
Cela conduit à rémunérer ces praticiens, dans la majorité des cas, des remplaçants étrangers, titulaires ou non d’un diplôme reconnu, à des tarifs exorbitants au regard des services effectivement rendus, notamment dans des structures prenant en charge un nombre limité de naissances, moins de 600 ou 800 accouchements annuels, parfois bien moins encore !
À cela s’ajoute un autre scandale : bien souvent, ces praticiens remplaçants occupent un emploi à plein-temps, dans un autre centre hospitalier public, et cumulent de ce fait emploi à plein-temps et une deuxième rémunération juteuse, pour aller dormir dans un autre établissement !
À l’évidence, le chef de service, le chef de pôle, le président de la CME, et surtout le directeur ne peuvent l’ignorer, et sont de ce fait complices de malversations et de détournement d’argent public.
Il s’agit bien entendu d’une infraction vis-à-vis de la législation du travail, du code de la santé publique, du code de déontologie médicale qui interdisent ces pratiques, mais pose également un problème aigu de responsabilité médicale.
La SHAM – société d’assurance mutuelle spécialisée dans l’assurance en responsabilité civile professionnelle des centres hospitaliers – sait-elle qu’elle assure des praticiens exerçant en toute illégalité ?
Elle serait, me semble-t-il, fondée à rappeler aux directeurs d’établissements hospitaliers le caractère illégal de telles pratiques, et que en cas de problème, c’est leur propre responsabilité, sur leurs biens propres, qui serait engagée.
Rappelons enfin que les textes régulant les gardes sur place existent :
- la garde sur place pour le gynécologue-obstétricien est prévue dans les textes au-delà de 2 000 accouchements par an,
- existe-t-il un texte pour la garde d’anesthésie ? Très probablement.
Enfin, concernant le pédiatre, rappelons que bien souvent, la sage-femme, l’infirmière aide anesthésiste, l’anesthésiste sont plus efficaces et efficients qu’un pédiatre non rompu à la réanimation néonatale !
À défaut, un stage pratique pourrait y remédier.
Tout cela, le ministère, Madame Marisol Touraine en priorité, les ARS ne peuvent l’ignorer, et ils seraient dans leur rôle en y mettant bon ordre, plutôt que de se préoccuper de la « qualité artistique » des fresques de l’internat du CHU de Clermont-Ferrand !
À quand la fin de l’hypocrisie et de la gabegie des deniers publics au bénéfice d’une caste de privilégiés ? Sommes-nous encore dans un État de droit ?
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