13,7 % des dépenses de santé. C’est ce que pèsent les complémentaires, d’après les derniers Comptes nationaux de la santé. Un chiffre qui n’a à première vue rien d’impressionnant : on est bien loin du désengagement de la Sécurité sociale que dénoncent les Cassandre de tous bords. Et pourtant, derrière cette moyenne se cache une réalité différente.
Les Comptes nationaux de la santé nous apprennent par exemple que les complémentaires prennent en charge 22 % des dépenses liées aux soins de villes, et 39 % des dépenses liées aux « autres biens médicaux » (comme l’optique et le dentaire). Cela leur donne déjà un poids plus important.
Mais surtout, l’Assurance-maladie obligatoire se concentre sur les soins lourds. Pour les 83 % d’assurés qui ne bénéficient pas du régime Affections de Longue Durée (ALD), la Sécurité sociale ne prend en charge que 61 % des dépenses, d’après le dernier rapport du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance-maladie (HCAAM). Un chiffre qui tombe à 51 % si l’on ne considère que l’ambulatoire. « Cela laisse beaucoup de place pour les complémentaires », commente Brigitte Dormont, titulaire de la chaire santé à l’Université Paris-Dauphine.
Cette économiste pointe le fait qu’avant intervention de la complémentaire, les bénéficiaires de l’Assurance-maladie obligatoire peuvent faire face à des reste à charges d’ampleur catastrophique. Les 1 % d’assurés qui dépensent le plus devraient sortir environ 5 000 euros de leur poche par an s’ils n’avaient pas de deuxième niveau de protection contre le risque maladie, indique-t-elle.
Une situation quasi unique au monde
Disposer d’une complémentaire est donc devenu indispensable. L’État lui-même l’a officiellement reconnu dès 1999, avec la création de la CMU-C. Avec l’entrée en vigueur de la complémentaire obligatoire pour tous les salariés au 1er janvier 2016, c’est une nouvelle étape qui est franchie. La France est donc en train de pérenniser un mode d’articulation entre assurances publique et privée quasi unique au monde.
C’est ce que souligne Dominique Polton, conseillère auprès du directeur de la Caisse nationale d’Assurance-maladie et membre du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance-maladie. « Dans notre pays, la fonction principale de l’assurance privée n’est pas d’éviter les listes d’attente comme au Royaume-Uni, ou de financer des soins qui ne sont pas inclus dans le champ du régime obligatoire comme au Canada, explique cette économiste. Elle n’assure pas non des populations différentes comme en Allemagne. Pour l’essentiel, elle cofinance le même panier de soins, pour les mêmes personnes que l’assurance-maladie obligatoire, pour les mêmes offreurs de soins, en prenant en charge le ticket modérateur. »
Celui-ci était initialement prévu pour responsabiliser le patient et éviter la surconsommation, mais il est devenu une variable d’ajustement indispensable pour tenter d’équilibrer les comptes publics. Permettre à la Sécurité sociale de faire des économies tout en laissant aux assurés la possibilité d’être couverts : c’est là que résident le poids et la force réels des complémentaires.
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