Pour la prise en charge d’un parcours médical transgenre au titre de l’affection longue durée (ALD), « il n'y a pas lieu de réclamer la production d'un certificat psychiatrique », rappellent le médecin-conseil national et le directeur en charge du réseau médical de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam), dans une note de cadrage. Adressé le 12 décembre aux services médicaux des caisses primaires (Cpam), le message les enjoint à « veiller à ce que cette consigne soit strictement appliquée ».
Informée de la démarche par la Cnam, l’association Trans Santé France se félicite dans un communiqué de la diffusion de cette note qui acte la fin de ce « véritable laissez-passer psychiatrique » qu’elle juge « humiliant » pour les personnes transgenres qui entament un parcours de transition (hormonal et/ou chirurgical*).
Des disparités d’application de la dépsychiatrisation
La France est pourtant l’un des premiers pays à avoir retiré la transidentité des maladies psychiatriques, rappelle l’association qui milite pour une application de cette « dépsychiatrisation » de la transidentité. Depuis un décret de 2010, la prise en charge des parcours de transition a été transférée de l’ALD 23 (affection psychiatrique de longue durée) à l’ALD 31 dite « hors liste ». À l’international, la dépsychiatrisation a été entérinée dans la dernière version (janvier 2022) de la classification internationale des maladies (CIM-11) avec le passage de l'incongruence de genre du chapitre des affections psychiatriques à celui de la santé sexuelle.
Mais, en pratique, l’avancée « n’est pas encore complètement traduite en acte », déplore Simon Jutant, de l’association Acceptess-T, coauteur d’un récent rapport (janvier 2022) remis à Olivier Véran, alors ministre de la Santé. Les délais, les conditions d’attribution et les soins couverts au titre de l’ALD apparaissent variables d’une Cpam à l’autre, certaines continuant d’exiger un certificat psychiatrique.
Certaines Cpam « réduisent arbitrairement les taux de remboursement, voire les refusent pour l’orthophonie, les traitements hormonaux, l’épilation définitive du visage, etc. Des refus se règlent régulièrement devant les tribunaux » et peuvent aboutir à des condamnations de l’Assurance-maladie, ajoute Trans Santé Trans. Lors d’une rencontre en septembre dernier, le médecin-conseil national de la Cnam « très lucide », avait « reconnu l’état de la situation et l’étonnante disparité entre les différentes Cpam », témoigne l’association.
La HAS planche sur de nouvelles recos
La note représente une « victoire » pour les personnes trans, mais ne règle pas l’ensemble des difficultés qu’elles rencontrent dans leurs parcours de transition et de soins. « Il reste encore de nombreux points à faire avancer pour une transition bienveillante et respectueuse », juge Trans Santé. L’offre de soins, bien que croissante, reste limitée et mal répartie géographiquement, conduisant à des délais d’attente de deux à cinq ans pour la chirurgie par exemple. Aucun panier de soins de référence n’est par ailleurs défini, donnant lieu à des remboursements de soins très variables.
Autre obstacle, l’accès aux traitements hormonaux (testostérone pour les parcours transmasculins ; œstrogènes, antiandrogènes et progestérone pour les parcours transféminins) reste soumis à un cadre jugé « inadapté », les prescriptions étant réalisées hors autorisation de mise sur le marché (AMM). « Suivre la réglementation et mentionner hors AMM sur les ordonnances empêche le remboursement. En pratique, personne ne le fait, en raison d’une tolérance non formulée de l’Assurance-maladie, qui assure la prise en charge dans le cadre de l’ALD, obtenue par la plupart des personnes trans », explique le Dr Hervé Picard, médecin généraliste et de santé publique, et coauteur du rapport remis à Olivier Véran.
Dans ce contexte, les recommandations sur les parcours de transition des personnes trans en cours d’élaboration au sein de la Haute Autorité de santé (HAS) sont très attendues des patients comme des professionnels qui les accompagnent. Elles devraient être publiées d’ici un an.
* Interventions de féminisation (création d’un néovagin, augmentation mammaire, féminisation du visage) ou de masculinisation (hystérectomie, métaidoïoplastie, phalloplastie).
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