LE QUOTIDIEN : Ce premier budget de la Sécu d'Agnès Buzyn marque-t-il une rupture ?
CATHERINE DEROCHE : Non, il y a assez peu de différences avec la période précédente. Il y a certes des signes positifs en matière de prévention comme l'élargissement de l'obligation vaccinale des jeunes enfants ou la prise en charge intégrale d'une consultation unique de prévention du cancer du sein et du col de l'utérus pour les jeunes femmes âgées de 25 ans. En tant que médecin, je suis également sensible aux expérimentations qui favorisent l’innovation organisationnelle ou tarifaire ou encore le développement de la télémédecine. Ces mesures peuvent être structurantes pour l’exercice médical, à condition de les mener à bien.
Sur les économies en revanche, c'est la même politique de rabot budgétaire qui fait porter les efforts sur le médicament !
À part la suppression de la hausse de la CSG pour les retraités, la commission des affaires sociales du Sénat a très peu détricoté ce texte…
C’est vrai sur la branche maladie dont je suis rapporteure. L’analyse du texte a été constructive car nous avons souhaité rétablir la confiance des professionnels de santé malmenée avec le gouvernement précédent. Notre ligne directrice a été de lever les freins pour ne pas entraver l’innovation et de donner davantage de place à la concertation. Par exemple, le transfert aux hôpitaux de la prise en charge financière des dépenses de transports a été reporté par nos soins pour donner plus de temps à la concertation. Et nous avons aussi rétabli la procédure accélérée d'inscription des actes à la nomenclature, tout en préservant le rôle dévolu aux professionnels.
Vous avez amendé l'article 35 qui fixe un cadre d'expérimentation pour l'innovation dans le système de santé…
Oui. Parmi les 33 amendements que j'ai déposés, plusieurs portent sur cet article important. Nous souhaitons élargir le cadre des expérimentations à l’exercice coordonné dans le domaine des soins ambulatoires, sans que cela se fasse exclusivement dans les maisons ou les centres de santé. D’autres amendements introduisent le principe d’une évaluation des expérimentations en vue de leur généralisation, ainsi que l’association des acteurs locaux dans le suivi des expérimentations.
Êtes-vous favorable aux mesures dérogatoires d’ordre tarifaire ?
Aujourd’hui, la rémunération à l’acte ne fonctionne plus. L’objet des expérimentations est de parvenir à une rémunération forfaitisée ou encore à un mode de financement grâce à un intéressement collectif. Pour favoriser l’accès aux soins, il faut passer par des dispositifs innovants et ne pas avoir de tabou. Nous sommes prêts à faire ce pari à condition que les acteurs du terrain soient associés avec une évaluation du dispositif.
L’obligation de tiers payant généralisé a été supprimée. Allez-vous revenir sur ce sujet ?
Nous maintenons la suppression de l'obligation et nous confirmons notre position : pas de tiers payant intégral obligatoire. La ministre a promis un rapport en mars 2018 sur le tiers payant « généralisable », nous verrons bien ! En tout cas, si le gouvernement veut mettre en place un tiers payant, il devra respecter la liberté du praticien.
Quelle est votre position sur le conventionnement sélectif en zone surdotée ?
En séance publique, certains sénateurs proposeront de réguler l’installation des médecins libéraux. La commission des affaires sociales y est opposée, comme la ministre. Je ne crois pas du tout au conventionnement sélectif dans les zones surdenses, ou encore moins à son expérimentation. Chacun sait que pour favoriser l’installation des médecins dans les territoires, il faut avant tout rendre attractif leur exercice.
La téléconsultation et la télé-expertise vont entrer dans le droit commun. Faut-il aller plus loin ?
Non, il faut procéder par étapes et d’abord lever certains blocages réglementaires et administratifs pour faciliter la téléconsultation et la télé-expertise. Les partenaires conventionnels vont prochainement négocier les tarifs de ces actes, c’est une bonne chose. La télésurveillance qui comporte de nombreux dispositifs innovants doit rester dans le cadre expérimental pour être ensuite évaluée et pourquoi pas généralisée. Ce sera probablement la prochaine étape.
Dans les hôpitaux, la création d'un intéressement pouvant aller jusqu’à 30 % des économies réalisées en fonction des résultats obtenus est-elle une bonne idée ?
Oui. Mais les établissements doivent avoir du temps pour finaliser sereinement le contrat d’amélioration de la qualité et de l'efficience des soins (CAQES) avant toute sanction. L’amendement que j’ai défendu reporte l’application de la sanction en janvier 2020 au lieu de 2018.
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