LE QUOTIDIEN - Pourquoi avoir retenu la santé comme une priorité à l’export ?
NICOLE BRICQ - Nous avons regardé la demande mondiale de produits et de services, et nous avons constaté que beaucoup de pays émergents à forte croissance engagent des plans pour que leur population se soigne mieux. On ne peut plus se satisfaire d’une offre pharmaceutique isolée. Il faut être capable de vendre une offre groupée, clé en main, pour répondre à la demande hospitalière qui émerge. Les besoins vont également exploser dans le secteur du grand âge. Il faut que la France soit au rendez-vous.
Qu’attendez-vous des hôpitaux français ?
La clinique Mayo [basée dans le Minnesota, NDLR] est présente partout dans le monde : j’ai vu l’une de ses antennes en Thaïlande. Les Américains ont de l’avance. Cela m’a ouvert les yeux sur la capacité que nous aurions à exporter notre savoir-faire hospitalier à l’étranger.
Partout, nos hôpitaux ont la réputation d’être les meilleurs. Je trouverais très bien que des hôpitaux se projettent à l’étranger. L’AP-HP et Gustave Roussy le font déjà. Il faut s’appuyer sur les médecins qui ont fait leurs études en France, nombreux au Moyen-Orient.
Aux hospitaliers, je dis : sachez que l’accueil réservé aux patients étrangers est un facteur d’attractivité fort et nos hôpitaux, une vitrine pour des marchés à l’étranger. Et nouez des coopérations qui peuvent déboucher sur des actes commerciaux. Avec Marisol Touraine, nous partageons les mêmes objectifs. C’est ma mission de promouvoir l’offre française à l’étranger, voilà pourquoi je m’investis sur le secteur.
Quels marchés vous semblent porteurs ?
La Chine prévoit d’injecter 50 milliards d’euros dans son système de santé d’ici à 2020. Avec le président de la République, nous y avons lancé le Club santé Chine, qui regroupe de grandes et petites entreprises. En marge de la visite d’État, l’entreprise Colisée a signé un contrat pour exploiter des maisons de retraite chinoises.
La Russie rénove ses hôpitaux publics, nous projetons d’y lancer un Club santé. Le Brésil investit 2 milliards d’euros dans ses hôpitaux. L’Inde prévoit aussi d’investir. Le Vietnam veut construire 300 hôpitaux d’ici à 2020 ; la France est positionnée sur deux projets de rénovation d’hôpitaux, à Can Tho et Hanoi. La Malaisie prévoit la construction de 200 cliniques et dispensaires d’ici à cinq ans. L’Arabie saoudite veut construire des hôpitaux et centres de soins pour 85 milliards d’euros. Les Américains y sont très bien positionnés, c’est leur zone d’influence, mais la France a tout de même une carte à jouer. Au Koweït, Gustave Roussy travaille sur un projet de centre de soins palliatifs.
Quels sont les atouts de la France ?
Nous avons des leaders mondiaux dans les médicaments et la cosmétique, et un système de santé très performant. Structurer une filière santé à l’export est nouveau, il faut se lancer. Ce n’est pas simple car le secteur est cloisonné. Je reçois différents acteurs que j’emmène ensuite en délégation.
Au Koweït et au Vietnam, j’ai appuyé la signature de contrats. Sont intéressés, l’université Paris-Descartes, l’AP-HP, Gustave Roussy, mais aussi de petits laboratoires. J’ai nommé un professionnel pour fédérer l’offre française : David Sourdive, fondateur et président de Cellectis, leader mondial de l’ingénierie des génomes. Les industriels intéressés par l’export peuvent le contacter. Notre offre commerciale est excellente, il faut la rassembler et l’adapter à la demande du client. J’ai reçu le ministre libyen de la Santé qui veut un hôpital de campagne à Benghazi. Nous ne pouvons apporter la même réponse au Vietnam, par exemple.
Quelles peuvent être les retombées commerciales ?
La France est focalisée sur les grands contrats, par exemple la vente d’Airbus. Pourtant, 83 % de la balance du commerce extérieur n’est pas constituée de grands contrats. J’essaye de porter l’effort sur le commerce courant. Dans le secteur des dispositifs médicaux, la France a mille PME mais peu d’entreprises intermédiaires et peu de grands groupes. C’est une faiblesse structurelle. Nos entreprises ont du mal à exporter. La France ne détient que 3,5 % du marché mondial des dispositifs médicaux, tandis que l’Allemagne a 12 % de parts de marché. Notre balance commerciale est déficitaire (de plus de 700 millions d’euros en 2012) : la demande va exploser. Il faut rattraper notre retard. C’est le moment ou jamais de se positionner.
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