Déficit en baisse, mesures de redressement, consultations de prévention, mais aussi permanence des soins, intérim à l'hôpital, pilule du lendemain gratuite et hausse des prix du tabac… Voici les principales mesures du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (PLFSS), adopté définitivement vendredi par le Parlement, en attendant la décision du Conseil constitutionnel.
Déficit : du mieux mais l'équilibre reste loin
Depuis le record abyssal de 2020 (près de 39 milliards d'euros), les pertes ont été réduites, à moins de 25 milliards en 2021. Pour cette année, elles étaient programmées à 17,8 milliards. Mais Assemblée et Sénat ont voté – sur proposition du gouvernement – des rallonges pour l'hôpital, notamment pour faire face aux épidémies de bronchiolite et de Covid, ce qui porte le déficit prévisionnel à 18,9 milliards. Pour 2023, il doit s'établir à 7,1 milliards, si les hypothèses optimistes du gouvernement se confirment.
Hôpital : fin de la garantie de financement
Le PLFSS met un terme à la fin de l'année au mécanisme de garantie de financement des hôpitaux mis en place en 2020 pour compenser les effets du Covid. Cependant, le gouvernement a ajouté des dispositifs d'accompagnement transitoires pour les établissements qui ont des difficultés à retrouver leur niveau d'activité.
Économies : médicament, biologistes et radiologues sollicités
Le budget ne prévoit pas de coup de rabot sur l'hôpital mais des économies d'environ un milliard sur le médicament, 250 millions sur les laboratoires d'analyses (secteur qui s'est mis en grève pendant trois jours) et 150 millions sur l'imagerie. Une bonne surprise pour les radiologues libéraux cependant : le PLFSS supprime la possibilité pour le directeur général de la Cnam de décider de manière unilatérale une baisse des forfaits techniques (mesure issue de l'article 99 de la loi Sécu 2017).
Face à la fronde des industriels du médicament, le gouvernement a reculé sur certaines mesures les contraignant. Il a introduit une nouvelle clause de sauvegarde au titre des médicaments à forte croissance et chiffre d’affaires élevé. La clause de sauvegarde est aussi étendue aux médicaments innovants et à ceux achetés par Santé publique France.
Lutte contre la fraude : possibilité d'extrapoler
Malgré le tollé des syndicats de médecins libéraux, le gouvernement permet aux caisses primaires de récupérer auprès des médecins et des infirmiers des indus par extrapolation, si une anomalie est détectée à partir d’un échantillon de factures émises par le professionnel de santé. L’Assurance-maladie fait valoir qu'elle ne peut pas vérifier toutes les factures, surtout en présence de forts volumes d’activité. Une procédure contradictoire est prévue.
Avancées sur la prévention et la santé sexuelle
Pour lutter contre les inégalités sociales de santé, des consultations de prévention seront proposées aux âges clés de la vie (20-25 ans, 40-45 ans et 60-65 ans). Ces rendez-vous devront être aussi « le lieu de repérage des violences sexistes et sexuelles », ont ajouté les députés. Ces consultations pourront exceptionnellement être réalisées par télémédecine.
La contraception d'urgence sera gratuite pour toutes les femmes, sans prescription médicale. Le texte prévoit rend possible aussi le dépistage de certaines infections sexuellement transmissibles, sans ordonnance, pour tous, et gratuitement pour les moins de 26 ans. Autre mesure : l'expérimentation pendant trois ans du dépistage obligatoire de la drépanocytose chez les nouveau-nés.
Tabac : vers 11 euros le paquet
Le prix moyen du paquet de cigarettes, aujourd'hui de 10,15 euros, doit passer à 11 euros en 2024, suivant l'inflation. La fiscalité sur le tabac rapporte entre 13 et 14 milliards par an, contre un coût de 20 à 26 milliards d'euros pour la Sécu.
Vaccination : on élargit
Le texte ouvre aux infirmiers et aux sages-femmes la possibilité de « prescrire et d'administrer » certains vaccins. Un arrêté précisera la liste des vaccins, les personnes ciblées et les modalités de traçabilité et de transmission des vaccinations réalisées aux médecins traitants.
Le texte permet aussi aux étudiants de troisième cycle de médecine et de pharmacie d'administrer les vaccins du calendrier des vaccinations dans le cadre de leurs stages. Des textes réglementaires préciseront les conditions de formation préalable, la liste des vaccins pouvant être administrés ainsi que les personnes ciblées.
Téléconsultations : haro sur les arrêts de travail de complaisance
Les arrêts de travail prescrits en téléconsultation par un autre professionnel que le médecin traitant ou un médecin vu au cours des 12 derniers mois ne seront plus remboursés.
Un agrément ministériel sera réclamé aux sociétés de téléconsultations pour qu’elles puissent facturer les soins à l’Assurance-maladie notamment lorsqu’elles commercialisent des bornes ou des cabines. Jusqu’alors, ces plateformes s’appuyaient sur un statut bricolé, en créant des centres de santé pour salarier les médecins téléconsultants. Un modèle qui coince tant au niveau réglementaire que déontologique.
La quatrième année d'internat dans la douleur
L'internat des généralistes sera allongé d'une année, intégralement réalisée en pratique ambulatoire et « en priorité » dans les déserts médicaux pour mieux les former à l'exercice libéral. Durant cette 10e année d’études, les internes devront obligatoirement être encadrés par des maîtres de stage des universités (MSU) et pourront faire l’objet d’une rémunération spécifique, fixée par décret. Par dérogation, l’un des deux stages pourra être réalisé en milieu hospitalier hors CHU (hôpitaux de proximité, centres de lutte contre le cancer ou centres de SSR par exemple). La réforme s’appliquera aux étudiants qui débuteront leur internat en novembre 2023.
Des députés de tous bords ont plaidé pour des mesures coercitives à l'installation mais les amendements en ce sens ont été repoussés.
Accès direct aux IPA en test
Malgré la protestation des médecins, l'expérimentation de l’accès direct aux infirmières de pratique avancée (IPA) a été adoptée. Celle-ci durera trois ans dans trois régions déterminées par voie réglementaire. Un décret en précisera les modalités, après avis de la HAS.
Consultations avancées dans les déserts
Le PLFSS prévoit d'expérimenter pour trois ans des consultations avancées (de médecine générale ou spécialisée), organisées par les ARS, dans des zones fragiles (pour l'instant dans la limite de six régions dont un territoire ultramarin). Ce complément de rémunération à l'activité sera assuré par l'Assurance-maladie selon les tarifs de droit commun.
Exercice jusqu'à 72 ans
Le texte prolonge jusqu'à fin 2035 de la possibilité pour les médecins et infirmiers de travailler jusqu'à 72 ans dans les hôpitaux.
Retraités actifs : une exonération de cotisations qui fait des vagues
Le PLFSS prévoit (pour l'an prochain uniquement) une exonération de cotisations d’assurance vieillesse pour les médecins libéraux en cumul emploi retraite, sous un niveau de revenu fixé par décret. La Carmf, qui dénonce l'absence de compensation de cette exonération, a annoncé en riposte qu'elle annulait la hausse de près de 5 % de la pension qui était prévue dans le régime complémentaire dès janvier.
Permanence des soins : l'union fait la force
Le gouvernement introduit le principe de « responsabilité collective » de participation à la permanence des soins (PDS), tant en établissement de santé qu'en ville pour garantir un accès aux soins non programmés pendant les horaires de fermeture des services hospitaliers et cabinets médicaux. Des réquisitions sont prévues en cas de défaut de fonctionnement. Le texte élargit cette mission de PDS aux chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers afin qu'ils puissent répondre à des demandes régulées par les Samu-Centres 15 et les services d’accès aux soins (SAS). Les rémunérations d’astreintes pour les nouvelles professions seront déterminées par voie réglementaire.
Intérim à l'hôpital : vers l'encadrement
Les jeunes soignants ne pourront plus travailler en intérim dès leur sortie d'école, mais devront, au préalable, exercer dans un autre cadre – salarié ou libéral – pendant une durée minimale fixée par décret.
Nouveau délai pour les Padhue
Pour les praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue), le gouvernement prévoit le report de la date limite de passage en commission nationale d'autorisation d'exercice du 31 décembre au 30 avril prochain.
Ehpad et dépendance : recrutements loin du compte
Quelque 3 000 infirmiers et aides-soignants viendront renforcer les effectifs des maisons de retraite, première étape d'un plan de 50 000 recrutements supplémentaires promis d'ici à 2027. S'y ajouteront 4 000 places additionnelles dans les services d'aide à domicile.
Les exigences post-scandale Orpea sur la transparence et la régulation financière des établissements et services médico‑sociaux sont complétées. Le tarif plancher national par heure d'intervention des services d'aide à domicile est rehaussé à 23 euros en 2023.
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