Ceux qui avaient espéré des arbitrages précis – ou des propositions neuves – dans le secteur de la santé seront restés sur leur faim. Dans son allocution télévisée de 13 minutes, lundi soir, le chef de l'État n'y a consacré que quelques phrases, avançant seulement l'objectif ambitieux – mais aux modalités floues – d'un désengorgement des urgences d'ici à fin 2024.
Après être brièvement revenu sur les tensions générées par la réforme des retraites – elle était « nécessaire », a-t-il assumé, tout en assurant qu'il entendait la « colère » des Français – Emmanuel Macron s'est surtout employé à tourner rapidement cette page et à en ouvrir une nouvelle autour de trois « grands chantiers » plus resserrés.
Il a ainsi souhaité « 100 jours d'apaisement, d'unité, d'ambition et d'action au service de la France », donnant rendez-vous le 14 juillet prochain pour un premier bilan. Sur le plan politique, le président a évoqué la nécessité de « coalitions et alliances nouvelles », mais sans en préciser les contours.
Satisfecit sur le numerus clausus et le 100 % santé
Après le chantier d'un « nouveau pacte de la vie au travail » (revenus, carrières, partage des richesses, usure professionnelle, reconversion) et celui de la « justice et de la rénovation de l'ordre républicain et démocratique » (renforcement du contrôle de l'immigration illégale, lutte contre la délinquance et les fraudes sociales et fiscales), la santé figure donc au sein du troisième chantier prioritaire (« le progrès pour mieux vivre »), articulé autour des services publics « de la petite enfance au grand âge ».
Au risque de se paraphraser lui-même, Emmanuel Macron – qui avait déjà ouvert une multitude de dossiers en janvier lors de ses vœux aux acteurs de la santé – a assuré que le sort du système de santé serait « profondément rebâti ». Fidèle à sa méthode, le chef de l'État a d'abord salué le chemin parcouru depuis qu'il est aux manettes. « Depuis six ans, 11 millions de Françaises et de Français ont pu bénéficier du reste à charge zéro pour leurs lunettes, leurs appareils auditifs ou leurs prothèses dentaires, nous avons mis fin au numerus clausus et nous avons massivement investi dans notre hôpital », a-t-il énuméré.
Mais désormais, admet-il, il faut des « résultats concrets à court terme », et si possible mesurables. Il a donc évoqué à nouveau la nécessité de procurer « d'ici à la fin de l'année » un médecin traitant aux quelque 600 0000 patients chroniques qui en sont privés. Un objectif qui commence à se décliner avec la généralisation de la campagne d'appels de la Cnam vers ces assurés, à partir d'une expérience dans le Val-de-Marne.
Pour les 10 millions de Français qui vivent dans les quartiers défavorisés, les zones rurales et les territoires d'outre-mer, le chef de l'État s'est contenté de promettre des « solutions concrètes » pour améliorer l'accès aux soins et la vie quotidienne.
La seule annonce nouvelle concerne donc l'hôpital. « D'ici à la fin de l'année prochaine, nous devrons avoir désengorgé tous nos services d'urgence », a lancé Emmanuel Macron. Mais là encore, il faudra attendre un peu pour en savoir plus, alors que les professionnels du secteur des urgences sont confrontés à des tensions extrêmes liées aux pénuries de personnel et à la crise de l'intérim.
Borne toujours aux manettes
Pour l'instant, cette feuille de route reste confiée à sa Première ministre, chargée d''apporter des détails « la semaine prochaine », et à son équipe gouvernementale. Élisabeth Borne obtient ainsi un sursis de trois mois, aucun remaniement n'étant prévu dans l'immédiat.
En matière de santé, la tâche s'annonce ardue au regard des premières réactions. Lors d'un déplacement dans le Sud Gironde, ce lundi 17 avril, le ministre de la Santé François Braun – qui a annoncé un investissement de 40 millions d'euros pour rénover le centre hospitalier de Langon – a été hué en fin de visite par des manifestants en colère scandant : « On veut des moyens, nous ne sommes pas des voyous ». L'intersyndicale CGT-FO du CH du Sud Gironde appelait à un rassemblement pour défendre l'hôpital public.
À la fin de la visite, des manifestants ont accueilli le ministre devant l’hôpital, avec Beaucoup de colère exprimée autour du manque de personnel hospitalier. pic.twitter.com/TkLFr89SYR
— France Bleu Gironde (@Bleu_Gironde) April 17, 2023
Sur les réseaux sociaux, des médecins n'ont pas hésité à afficher leurs doutes, avec une pointe d'ironie.
Le Président #Macron va en 100 jours
— Jeremy M.D ? (@Jerem_MD) April 18, 2023
- former des médecins/des IDE
- revaloriser les salaires à l’hôpital
- rendre attractif l’hôpital
- désengorger les urgences
- combler les déserts médicaux
- ouvrir des lits
La santé des français mérite mieux que des promesses irréalistes
« Je ne crois pas à la magie mais aux faits, a aussi cinglé le Pr Philippe Juvin, chef des urgences à l'Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP). Il faut plutôt mieux payer les professionnels de santé ou rouvrir des lits actuellement fermés dans les hôpitaux. »
? #Macron a promis de désengorger tous les services d'urgence d'ici 2024
— Sud Radio (@SudRadio) April 18, 2023
?️@philippejuvin : "Je ne crois pas à la magie mais aux faits. Il faut plutôt mieux payer les professionnels de santé ou rouvrir des lits actuellement fermés dans les hôpitaux"
?https://t.co/pcAgC4ByCk pic.twitter.com/e6piRSMIrW
L'emballage à la place du cadeau pour l'UFML
Du côté des libéraux, l'UFML-Syndicat ironise ce mardi sur « la pensée magique » du chef de l'État – un médecin pour tous les Français, des urgences désengorgées – qui « remplace toute volonté réformatrice ». « Lors de son allocution, il n’a donné aucune orientation de la politique qu’il compte mette en œuvre pour rendre plus attractive la médecine libérale, favoriser les installations des plus jeunes, le maintien en activité des plus âgés, relancer et sauver l’hôpital public, réaménager le territoire tant en médecins de ville qu’en structures hospitalières… rien », se désole le syndicat du Dr Jérôme Marty, qui déplore « quelques phrases creuses, une musique, l’emballage à la place du cadeau ». L’UFML-S appelle toujours à un « choc d’attractivité et financier pour la médecine libérale, à une loi de finances rectificative pour cela ».
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