Avant la crise sanitaire, la décentralisation du système de santé italien suscitait déjà des critiques. Mais après les multiples cafouillages tant au niveau de la gestion de l’épidémie que de la campagne vaccinale, la question d’un éventuel retour de l’État dans la gestion de la « sanità » à l’échelle nationale, fait désormais partie des grands débats. Mais si cette idée n’est pas dans les cartons du nouveau gouvernement de Mario Draghi — du moins en ce qui concerne l’immédiat — pour de nombreux professionnels de santé et plusieurs académiciens et économistes, elle fait partie en revanche, des dossiers prioritaires. Pour l’économiste et ex-sénateur Filippo Cavazzuti, « la crise sanitaire a révélé les faiblesses de la fragmentation régionale du service sanitaire national (SSN) et la nécessité d’en finir rapidement avec la décentralisation ».
Crée en 1978 et décentralisé en 1992, le système de santé national (SSN), repose sur trois piliers caractérisés par le principe d’universalité : une couverture pour tous, quelle que soit la situation personnelle et financière de l’assuré, l’égalité, c’est-à-dire l’accès aux mêmes soins, et la prise en charge. Selon la répartition des tâches, le gouvernement planifie les opérations à l’échelle nationale, fixe des objectifs généraux, détermine les soins essentiels et dégage les ressources financières pour les dépenses de santé du pays.
Pour leur part, les Régions organisent et gèrent le système par le biais des agences régionales de santé (ASL) dont elles nomment le directeur. Elles répartissent aussi le budget qui leur est alloué. Mais « selon l’article 20 de la Constitution, l’État peut toutefois rapatrier certaines compétences notamment lorsque la sécurité des Italiens est menacée » explique le Pr. Sabino Cassese, académicien et juge émérite de la Cour Constitutionnelle. Au début de l’épidémie de coronavirus, l’ex- président du Conseil Giuseppe Conte s’est d’ailleurs appuyé sur cet article fin février 2020 pour établir les premières zones rouges puis, pour placer tout le pays sous cloche deux semaines plus tard.
Un système à deux vitesses
En Italie, la décentralisation a produit un système à deux vitesses avec d’un côté, des régions plus riches notamment dans le nord du pays, capables d’investir et de proposer à leurs assurés un modèle de santé nettement plus efficace que celles du Mezzoggiorno. Depuis le début de la crise sanitaire, ces disparités ont été dénoncées à plusieurs reprises pour démontrer l’inégalité du système à l’échelle nationale. « La Santé est un bien public et il est inacceptable que l’égalité des assurés soit remise en question, le système doit être uniformisé au niveau de la qualité et de l’offre des soins et cela passe par la reprise en main de la santé par l’État », s’agace le Dr Marco Macri, gynécologue urgentiste dans un hôpital de la banlieue romaine.
À preuve de cette disparité, le manque de confiance évident des méridionaux envers leur système régional qui préfèrent se faire soigner dans le nord du pays. Un rapport publié en janvier dernier sur la base d’une étude réalisée par l’institut de recherches Demoskopika, relève que 314.00 patients originaires du sud de la Péninsule, ont été hospitalisés en Lombardie, Emilie-Romagne, Toscane et Vénétie. « Cette migration démontre la disparité persistante entre l’offre des régions du nord et celle du Mezzogiorno, ce fossé doit être comblé rapidement pour que la liberté de choix du lieu où le patient veut être soigné soit garantie », estime Raffaele Rio, président de Demoskopika en ajoutant : « les Régions et le gouvernement vont devoir gérer au mieux, les quelque 20 milliards d’euros débloqués dans le plan de relance Next Generation EU qui vont permettre de réorganiser et rééquilibrer, les systèmes régionaux de santé ».
La bataille n’est pas gagnée. Le dernier constat dressé par Demoskopika via son étude IPS 2020 ( indice annuel de performance sanitaire), est sévère : sur 20 régions, six sont qualifiées de « saines », neuf « d’enrhumées » et cinq de carrément « malades ». En tête de peloton, l’Emilie-Romagne puis dans l’ordre la Vénétie, l'Ombrie, la Lombardie et les Marches. Parmi les régions « patraques », le Latium, le Piémont et la Vallée d’Aoste. Les régions du sud de la Campanie, Calabre et Sicile se disputent le bonnet d’âne.
La disparité favorise aussi le secteur privé qui bénéficie de la faiblesse du système dans certaines régions comme le Latium par exemple, ce qui renforce en parallèle l’inégalité. Car même si les privés ont revu leurs tarifs à la baisse et que de plus en plus de structures sont désormais conventionnées, de nombreux Italiens, notamment en cette période grande crise économique, n’ont pas les moyens de se faire soigner.
Exergue : Les méridionaux, qui manquent de confiance envers leur système régional, préfèrent souvent se faire soigner dans le nord du pays
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