Nous avons tous des liens d’intérêts financiers et/ou non-financiers (courants de pensée, engagement pour une cause, religion). Des conflits existent quand nous décidons et que des intérêts divergents influencent notre décision. Ces concepts ont été évoqués dans la Bible, à savoir que « nul ne peut servir deux maîtres ».
Que penser des conflits d’intérêts ?
Les chercheurs analysent les définitions, les conséquences, la gestion des liens et conflits d’intérêts avec des visions propres à chaque communauté scientifique. L’argent est le lien le plus visible, et le plus gênant. Cependant les liens non-financiers, impossibles à gérer ou éviter, sont importants aussi.
Les chercheurs des sciences du vivant ont été parmi les premiers à décrire les liens et conflits dans le domaine des produits de santé, de l’agroalimentaire, du tabac. Ces concepts sont nés avec les collaborations « public privé » dans les années 1970-1980. Auparavant, les moteurs de la recherche étaient la curiosité, l’altruisme, la gloire; et l’argent n’était pas prépondérant.
Dans ce nouveau contexte, les rédacteurs de revues biomédicales ont ajouté dans leurs instructions aux auteurs des exigences concernant les liens d’intérêts. En 1997, 16 % d'entre elles, parmi les plus prestigieuses, demandaient de les déclarer, et en 2008, 89 % avaient cette exigence. En revanche, des revues ne mentionnent pas les liens d’intérêts ; si des auteurs oublient de déclarer des liens ou l’absence de lien, certaines n’exigent rien.
Les juristes et administrations font référence à la confiance, à la loyauté. Ils s’intéressent à l’introduction et aux sanctions des conflits d’intérêts dans les lois et règlements. Mais pourchasser les chercheurs responsables n’est pas suffisant car il faut revoir les relations public-privé. Les États créent des bases administratives avec les contrats entre industries et professionnels. Et la question devient alors : « Faut-il financer toute la recherche sur fonds publics ? ».
Parallèlement, les économistes estiment que les articles donnent une valeur marchande aux chercheurs sur le marché du travail et pour allouer des ressources. Ce sont les conséquences d’un néo-libéralisme et de la mondialisation qui ont traité l’enseignement supérieur comme un bien privé. Et les chercheurs se sont logiquement concentrés sur le volume de leurs publications en diminuant leur qualité pour devenir vendables.
Les chercheurs en sciences sociales s’interrogent sur les conséquences de tout cela pour la société. Les manipulations des experts influencent les prescriptions (antidépresseurs, antirhumatismaux, antidiabétiques, par exemple). Les concepts de fabrication de l’ignorance et de création du doute sont liés aux conflits d’intérêts. Des industries financent des chercheurs, des institutions, pour faire des recherches orientées vers des thèses obscures.
Est-ce possible voire souhaitable de réguler les liens d’intérêts ?
La « chasse aux sorcières » consiste à exclure les experts ayant des liens d’intérêts. Ils ne peuvent pas signer des articles de formation, des éditoriaux, voire des revues de littérature. Ils ne peuvent pas siéger dans des groupes d’experts qui rédigent des recommandations. Et cette dynamique écarte ceux que l’industrie a repérés pour leur compétence. Certains experts sont intelligents et séducteurs : faut-il s’en priver ?
La « transparence » demande aux auteurs, aux experts de remplir des formulaires de plusieurs pages avec les informations concernant leurs activités et relations. Les déclarations publiques d’intérêts sont parfois accessibles sur des sites internet. Mais celles-ci ne sont pas contrôlées par les institutions et revues. Et les sous-déclarations sont fréquentes. Quel que soit le lien déclaré, y compris un lien public, il apporte une suspicion.
La « tolérance » part du principe que les concepts de conflits d’intérêts sont un mythe qui met en péril l’innovation. Ils révèlent un mouvement anti-industrie. Les déclarations génèrent un travail administratif inutile. Des positions sont exprimées : « avoir beaucoup de liens d’intérêts favorise l’indépendance du chercheur » ou « un chercheur sans liens d’intérêts est un chercheur sans intérêt ».
Nous devons faire confiance à l’homme car la plupart des chercheurs sont honnêtes. Nos valeurs d’intégrité, d’honnêteté ne devraient pas systématiquement être mises en doute. Permettez-moi de rêver !
Exergue : Certains experts sont intelligents et séducteurs : faut-il s’en priver ?
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