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Dossier

Urgences et soins non programmés 24H/24

Libéraux et SAMU main dans la main : à Metz, le SAS fait son numéro

Par Martin Dumas Primbault - Publié le 12/02/2021
Libéraux et SAMU main dans la main : à Metz, le SAS fait son numéro

La salle de régulation du SAMU 57, le 3 février 2021
SEBASTIEN TOUBON

Parmi les 22 sites pilotes retenus pour expérimenter le service d'accès aux soins (SAS) universel depuis janvier, Metz fait figure de vitrine. Dans la capitale mosellane, SAMU et médecins libéraux régulent conjointement depuis des années pour assurer la réponse aux appels urgents et aux soins non programmés. Reportage.

À première vue, la salle de régulation du SAMU 57 ressemble à n'importe quelle autre. Dans une grande pièce située au rez-de-chaussée du CHR Metz-Thionville, une vingtaine de médecins et d'assistants de régulation médicale (ARM), micros et casques solidement vissés sur la tête, s'activent frénétiquement.

Au mur, un écran indique en temps réel les statistiques d'efficacité des opérateurs. Ce jour-là, le décroché moyen des appels affiche 16 secondes. « En général on est plutôt autour de 4 ou 5 », précise fièrement le Dr François Braun, chef de service. Ce n'est pas la seule originalité du centre de régulation du SAMU de Metz. Depuis 1992, médecins urgentistes et libéraux organisent la régulation main dans la main. Qu'il s'agisse des soins non programmés ou de l'urgence vitale, les appels sont régulés dans la même pièce.

Une performance qui relèverait presque de l'exploit au regard des querelles que se livrent parfois praticiens de ville et hospitaliers sur la gestion et l'orientation des appels (lire page 12). « On est quasiment les premiers à avoir garanti la participation 24 heures sur 24 des médecins généralistes libéraux au sein du Centre 15 », se félicite à son tour le Dr Alain Prochasson, médecin généraliste, président de la communauté professionnelle et territoriale de santé (CPTS) « Metz et environs ».

Porte d'entrée unique

Ce n'est donc pas un hasard si le SAMU mosellan a été retenu par le gouvernement parmi les 22 sites pilotes qui expérimentent depuis janvier le futur service d'accès aux soins (SAS). Cette « superplateforme » de régulation universelle est une promesse phare d'Agnès Buzyn dans son pacte de refondation des urgences présenté en septembre 2019. Objectif ? Désengorger les urgences en réorientant les passages qui peuvent être pris en charge en médecine de ville. À terme, le SAS permettra à chaque Français d’accéder à distance 24H/24 à un professionnel de santé qui, selon la situation, fournira un conseil médical, proposera une téléconsultation, orientera vers une consultation non programmée en ville, vers un service d’urgence ou déclenchera l’intervention d’un SMUR si nécessaire.

Mais entre l'affichage politique et la traduction concrète, il y a souvent un pas… Que le CHR Metz-Thionville a franchi. Depuis plusieurs semaines, le Centre 15 du SAMU 57 dispose d'un front office, « une porte d'entrée unique » vers la régulation. « Quel que soit le numéro composé, 15, 116 117, 112 ou permanence des soins… L’appel arrive au même endroit et est décroché par la même personne, c'est ça la nouveauté du SAS », explique le Dr François Braun. Le cahier des charges impose un impératif de résultat : 99 % des appels doivent être décrochés dans les 30 secondes. « Nous sommes quasiment tout le temps à ce niveau-là », vante l'urgentiste messin.

À la réception de l'appel, un ARM est chargé d'une première orientation vers la filière de ville ou vers la filière d'urgence. Dans un deuxième temps, l'appel est pris soit par un nouvel ARM si le recours relève d'une prise en charge hospitalière, soit par un opérateur de soins non programmés (OSNP) si c'est la voie libérale qui est privilégiée. C'est seulement dans un troisième temps que l'appelant peut être mis en relation avec un médecin régulateur, urgentiste ou généraliste libéral selon les choix opérés. Les moyens déclenchés vont du simple conseil médical (dans 60 % des cas) jusqu'à l'envoi d'un service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR). « Mais chaque filière doit pouvoir garder la possibilité de déclencher tout moyen », précise le chef de service.

L'ambulatoire connaît le territoire

Si, côté hôpital, le SAMU gère depuis plus de 50 ans la réponse aux urgences, pour que le SAS fonctionne il faut pouvoir compter sur une offre de ville structurée. « C'est là qu'interviennent les CPTS, résume le Dr Alain Prochasson. Elles doivent trouver des solutions pour organiser des astreintes dans leur secteur. »

La journée, l'appli Entr'Actes permet ici aux médecins libéraux enregistrés volontaires de prendre en charge un patient pour une situation de consultation imprévue. Grâce aux données de Doctolib, les régulateurs du SAS disposeront bientôt d'un agrégateur d'agendas leur permettant de trouver rapidement une plage de consultation. La nuit et les week-ends, une maison médicale de garde est adossée à l'hôpital militaire Legouest et à une association gère la permanence des soins. « Il y a intérêt à avoir une filière ambulatoire qui connaît bien le territoire, le SAMU et les différents services d'urgence », prévient l'omnipraticien.

Des centres médicaux de soins immédiats

Condition requise pour la réussite du SAS : une médecine de ville qui se mobilise à toute heure pour proposer des alternatives aux urgences hospitalières. Et la Moselle n'est pas en reste sur ce sujet. Le département dispose déjà de quatre centres médicaux de soins immédiats (CMSI) dont un à Metz, depuis seulement trois mois, adossé à l'hôpital Robert Schuman (privé non lucratif).

Ces structures libérales sont comme des « petites urgences » résume le Dr Yacine Azizi, l'un des quatre médecins qui y travaille. Ouvert de 8 heures à 20 heures, le CMSI prend en charge sans rendez-vous les patients qui exigent des soins rapides mais ne relèvent pas de soins vitaux. Ce jour-là, le praticien s'occupait d'une dame victime d'une fracture du poignet. « En moins de deux heures nous avons pu lui faire des radios et lui poser un plâtre, elle va pouvoir rentrer chez elle », raconte l'urgentiste, qui croit dur comme fer à ce modèle. « D'ici à dix ans nous prendrons en charge davantage de patients que les urgences »

De notre envoyé spécial

Martin Dumas Primbault