Faut-il croire demain à une Europe de la santé ? Longtemps inexistante, elle se construit à petits pas. Élaboré dès septembre 2020 pour répondre aux insuffisances et aux dysfonctionnements observés dans les premiers mois de la pandémie (dépendance sanitaire, défaut de coordination), le programme pour une « Union européenne de la santé » est en passe d’entrer dans une phase plus concrète. Il appartient à la présidence française de le faire aboutir d’ici à la fin de l’année, en coopération avec la future présidence tchèque, de juillet à décembre 2022.
Mais de quoi parle-t-on ? D'abord (et surtout) du médicament : cette « Union pour la santé » porte sur le renforcement des chaînes d’approvisionnement en produits de santé et sur la notion de « gestion solidaire » de la crise, ce qui commande une coordination accrue des stratégies sanitaires entre les pays européens. Projet phare, une « autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire », l’HERA, viendra renforcer les structures existantes. Cette agence devrait être dotée de 6 milliards d'euros jusqu’en 2027 et sera chargée de coordonner des achats conjoints et la distribution de matériel médical et de financer la recherche biomédicale avancée. Dans l’immédiat, l’Agence européenne des médicaments a hérité de compétences supplémentaires, notamment pour atténuer les pénuries de molécules et de dispositifs médicaux vitaux (encadré).
Directives sur le numérique, le sang, les tissus
La France souhaite ensuite replacer la santé au cœur des politiques industrielles de l’UE, à travers une initiative forte qui facilitera l’installation d’entreprises de santé en Europe. Le principe en a été défini par l’Allemagne, en accord avec ses industriels du médicament et de la santé, et la France s’y est étroitement associée.
Parallèlement, un futur « paquet » de directives destiné à renforcer les technologies numériques bénéficiera principalement aux industries de santé. La Commission souhaite aussi rapatrier sur le Vieux continent des technologies jugées stratégiques pour le secteur, et notamment la production de puces électroniques. La présidence française devrait marquer par ailleurs l’aboutissement de textes actualisant les directives sur le sang et les tissus. L'Hexagone compte enfin lancer de nouveaux chantiers sur les enjeux éthiques de la santé numérique, avec la préparation d’un espace européen des données de santé.
Au-delà des annonces encore assez vagues, la présidence française s'emploiera à faire la pédagogie d'une l'Europe de la santé. Plusieurs conférences de haut niveau regroupant experts, parties prenantes et élus seront organisées à travers le pays dans les prochains mois. La première, portant sur la résilience des systèmes de santé, s’est tenue à Sciences-Po Paris. D’autres cibleront la santé mentale des jeunes publics vulnérables, les maladies rares et le cancer.
Reste que ces bonnes intentions restent freinées par les mandats restreints dont dispose l’UE en matière de santé : pas question, cette fois encore, de s’attaquer à l’organisation, et encore moins au financement des systèmes et des structures, des prérogatives jalousement conservées par les États membres.
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