Réunies la semaine dernière, à Brême, pour leur traditionnel congrès annuel, les organisations médicales allemandes — syndicats et Ordres confondus — ont réclamé une remise à plat « urgente » du financement des hôpitaux et des cliniques, alors que 13 % des établissements de santé sont aujourd'hui au bord de l’insolvabilité et que les besoins en recrutements de médecins sont criants.
De fait, plus du tiers des 100 000 praticiens hospitaliers sont âgés de plus de 60 ans, laissant présager une aggravation dramatique de la pénurie dans de nombreuses spécialités, d’autant que les médecins plus jeunes sont nombreux à exercer à temps partiel. Certes, les blouses blanches soutiennent le gouvernement dans son projet de réforme hospitalière, qui prévoit d’augmenter les financements fédéraux pour compléter les dotations régionales majoritaires, et de combiner forfaits et paiements à l’activité. Mais ils jugeront sur pièces.
Prescriptions électroniques à marche forcée
La situation démographique n’est guère plus reluisante dans le secteur libéral, a alerté le Dr Klaus Reinhardt, président de l’Ordre fédéral. Selon le généraliste, la « digitalisation à marche forcée » risque d’aggraver les tensions car beaucoup de médecins proches de la retraite seront tentés de ranger leur blouse plutôt que de modifier leur pratique.
En particulier, la fédération des médecins conventionnés souligne que les prescriptions électroniques — qui doivent être généralisées cet automne dans plusieurs régions — présentent un taux « inacceptable » d’erreurs techniques et de pannes. « Arrêtez de concevoir des systèmes qui plaisent aux informaticiens mais n’aident pas les médecins », ont exhorté plusieurs praticiens exaspérés lors du congrès, rappelant au passage que les dossiers patients informatisés, disponibles depuis plusieurs années, sont souvent des coquilles vides, situation qui rappelle celle des anciens DMP français…
Nomenclature, l'autre épine
Autre serpent de mer de la vie conventionnelle, les médecins attendent toujours la validation de la nouvelle nomenclature des honoraires privés (dite « GOÄ »), qui s’applique aux 15 % de patients disposant d’une assurance privée, et qui n’a pas évolué depuis plus de vingt ans… Contrairement à la France en effet, il n’existe pas de secteur conventionnel d’exercice pour les médecins, car c’est le statut public ou privé du patient qui définit le montant des honoraires.
Signe de leur impatience tarifaire, les médecins ont offert un bel exemplaire relié de la nouvelle nomenclature « GOÄ » — qui compte 6 000 intitulés — au ministre de la Santé Karl Lauterbach, venu participer à leurs débats, tout en sachant que ce dernier, hostile aux assurances privées, leur laisse peu d’espoir quant à sa rapide adoption. Et dans le même temps, les médecins libéraux outre-Rhin ont réclamé un rattrapage des honoraires « publics » pour faire face à l’augmentation de leurs coûts et à l’inflation.
En médecine de ville comme à l’hôpital, la profession se sent donc entravée, voire prise à la gorge, par les impératifs budgétaires dictés par les gestionnaires des caisses et des hôpitaux. Ils constatent aussi que leur liberté de traitement et de prescription est « remise en cause » au nom d’arguments financiers. Autant de critiques également entendues dans l'Hexagone…
Après le Covid, les jeunes en souffrance
Enfin, le congrès des médecins allemands s’est penché sur les conséquences délétères de la pandémie de Covid pour les enfants et les adolescents, lesquels ont été les jeunes Européens privés le plus longtemps d’écoles et d’activités présentielles. Ces jeunes en payent aujourd’hui le prix et plus de 80 % d’entre eux disent avoir vu leurs relations sociales et amicales entravées par ces restrictions. Selon les pédiatres allemands, cette situation a aggravé les inégalités sociales entre les jeunes et nui à leur équilibre familial et personnel.
Dans ce contexte, à la veille d’une éventuelle nouvelle vague cet automne, les médecins appellent le gouvernement à la plus grande vigilance mais aussi à une meilleure préparation des services de santé, épuisés par deux ans de pandémie.
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