« Les médecins spécialistes apportent la qualité et la sécurité, ils font le lien entre la ville et l'hôpital : nous devons structurer la permanence et la continuité de soins, déléguer nos tâches, il faut muter et c'est à nous de proposer nos efforts ».
Dès l'ouverture des premiers états généraux de la médecine spécialisée à Paris, le Dr Patrick Gasser, président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE-CSMF), a donné le ton de la journée, tournée vers les délégations de tâches, le décloisonnement et la réorganisation territoriale. Délais d'attente devenus insupportables, prise en charge de patients complexes et chroniques, valorisation de l'expertise : les défis sont connus et commandent un aggiornamento de la profession.
Assistantes de parcours
L'optimisation du parcours de soins du malade – et de la coordination des intervenants – est au cœur des réflexions, avec plusieurs modèles. En Occitanie, c'est celui du Montpellier institut du sein (MIS), attaché à la clinique Clémentville. Créé en 2012 par le Dr Cécile Zinzindohoué, chirurgien sénologue et cancérologue en libéral, l'institut propose un parcours personnalisé aux patientes atteintes d'un cancer du sein. « Elles étaient perdues entre les multiples acteurs qui interviennent dans le domaine du cancer du sein, il manquait un chef d'orchestre, explique Sylvie Boichot, ex-directrice du MIS et fondatrice de Move in med. Nous avons donc développé des assistantes de parcours, qui suivent les femmes tout au long de leur maladie, organisent les rendez-vous avec les spécialistes et surtout gardent le contact. »
Infirmiers, kinés, psychologues, médecins acupuncteurs, radiologues, chirurgiens, sexologues… Aujourd'hui, 60 professionnels de santé, mais aussi des assistantes sociales, travaillent en réseau avec le MIS pour « anticiper les difficultés de la patiente », aidés par le développement en interne du dossier médical partagé (DMP), qui permet d'informer le médecin traitant du suivi de la patiente.
Le médecin aux manettes de centres ambulatoires territoriaux
Une organisation optimisée, c'est aussi l'objectif des praticiens outre-Rhin. Depuis 2004, des centres de médecine ambulatoire de proximité, les Medizinische Versorgungszentren (MVZ) se développent en Allemagne. « Nous avons un manque de médecins couplé à de nouvelles exigences sur leurs conditions de travail, mais aussi un besoin d'assurer la continuité des soins dans les régions rurales », explique le Dr Milena Schaeffer-Kurepkat, généraliste et directrice d'un MVZ à Brandebourg, près de Berlin. « D'où la création des MVZ qui prennent en charge un territoire entier et peuvent être créés par des médecins, des hôpitaux, centres de dialyse, communes, voire des organisations de santé d'intérêt commun, précise le Dr Schaeffer-Kurepkat. Obligatoirement dirigés par un médecin, on peut y être salarié ou associé en libéral. »
La formule fait recette. Quelque 2 100 MVZ existent aujourd'hui en Allemagne, où exercent plus de 15 000 médecins – dont près de 13 000 sont salariés et environ 1 300 sont libéraux. Certaines structures sont monodisciplinaires mais la plupart sont pluridisciplinaires. Près de 40 % de ces centres sont implantés dans des communes petites et moyennes et 15 % dans des régions rurales.
Les ophtalmologistes pionniers
Autre voie explorée pour regagner du temps médical : les délégations de tâches. L'ophtalmologie promeut cette démarche depuis 2010. Plus récemment, des contrats de coopération pour les soins visuels ont été mis en place avec les orthoptistes pour réduire les délais d'attente. « Notre activité est croissante et la profession vieillissante, la solution a donc été d'instaurer une délégation de tâches très large et de créer une équipe de soins pluriprofessionnelle, avec les infirmiers et orthoptistes, autour de l'ophtalmo », détaille le Dr Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF). Fraîchement accueillies au départ par les praticiens, les délégations de tâches montent en puissance : 45 % des ophtalmos sont aujourd'hui en travail aidé et l'objectif est d'arriver à 80 % en 2025, lance le Dr Bour.
Du neuf pour attirer les jeunes
Outre leur impact sur la qualité et l'efficience des soins, ces quelques exemples d'organisation plus collégiale attirent les jeunes médecins vers le libéral. « L'ophtalmologie est l'une des spécialités les plus choisies à l'internat et 76 % des jeunes s'installent rapidement en libéral, en groupe ou en travail aidé, précise le Dr Thierry Bour. Il faut encore développer les stages en ville, les dispositifs d'assistants et de médecins adjoints. »
Même dynamique positive du côté du Montpellier institut du sein (MIS) : de « jeunes talents », chirurgiens ou oncologues, sont séduits par ce travail collaboratif et pluriprofessionnel et adressent leurs candidatures, assure Sylvie Boichot.
En Allemagne, les MVZ accueillent plusieurs milliers d'internes par an. « Tout médecin spécialiste qui exerce depuis cinq ans peut accueillir ces jeunes, qui se montrent très intéressés par ce modèle, assure le Dr Milena Schaeffer-Kurepkat. Dans mon centre, 20 spécialités sont représentées, c'est très formateur. »
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