LE QUOTIDIEN : L’hôpital public traverse une crise historique. Comment vont les cliniques ?
LAMINE GHARBI : La situation est contrastée. Une clinique sur quatre est en déficit. Nous avons connu une liquidation judiciaire par mois en 2019. C’est préoccupant. J'y vois le résultat d’une baisse constante de nos budgets, spirale enrayée cette année par Agnès Buzyn. Mais après une baisse des tarifs de quasiment 10 % sur dix ans [en cumulé, NDLR], ce n’est pas la hausse de 0,5 % en 2019 qui va nous permettre de rétablir une situation économique dévastée.
La situation chez nous est similaire à celle de la fonction publique. Aux cliniques le tribunal de commerce, à l’hôpital les déficits chroniques ! Les conséquences sont les mêmes : des torsions sociales, des tensions salariales et des difficultés à renouveler nos investissements et nos parcs immobiliers. On sent sur le terrain un ras-le-bol naissant.
Craignez-vous que la mobilisation sociale à l’hôpital public gagne le privé lucratif ?
C’est possible. C’est le cas déjà de manière isolée, à Nîmes ou à Toulouse. Engager un mouvement de grève en clinique est un geste extrêmement fort car cela signifie l’arrêt total d’activité [au bloc, aux urgences, à la maternité par exemple, NDLR]. Dans le service public, l’activité est maintenue pendant la grève. Nous revendiquons, au regard des missions de service public que nous menons, que le droit de grève soit, comme dans le public, assorti d’un service minimum et obligatoire dans les cliniques.
Le plan d’urgence pour l’hôpital du gouvernement va-t-il dans le bon sens ?
Nous avons été un peu surpris et même déçus que ce plan touche exclusivement l’hôpital public, comme le remboursement partiel de la dette. Mais il ne faut pas tout voir en noir. Agnès Buzyn s’est engagée sur la pluriannualité de nos tarifs pour les trois prochaines années. Nous avons été entendus sur ce point ; maintenant, pour sortir du marasme, il faut définir le périmètre de l'augmentation d'au moins 0,2 % par an de nos tarifs garantie par l'État. Est-ce que cette hausse inclut l’incitation financière pour l’amélioration de la qualité (IFAQ) ? Quid du coefficient prudentiel [la réserve annuelle de crédits hospitaliers, NDLR] ? Il nous faut des éclairages.
Une hausse des tarifs de 1 % nous permettrait trois choses : vraie politique salariale, investissement et désendettement. Avec l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) voté à 2,4 %, c'est possible ! Bien sûr, si nous voulons sortir nos établissements du rouge, il faudrait bien davantage. Mais un ONDAM à 4 % n’est pas réaliste, il faut savoir être raisonnable.
Souhaitez-vous que les primes annoncées pour les soignants du service public soient étendues à vos salariés du privé ?
On s’imagine que le privé paye davantage ses infirmières et ses aides-soignantes. C’est l’inverse ! La grille actuelle de la fonction publique est plus avantageuse que les salaires en clinique. On aimerait pouvoir revaloriser certains de nos salaires, pas des primes. D’autant qu’à part la prime pour les urgences, aucune de celles annoncées en novembre ne concernent le secteur privé...
Pire, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris a bénéficié d'un fléchage important. Cette décision met les cliniques d'Île-de-France en difficulté, car les salariés du public vont être revalorisés contrairement à ceux du privé. Cela va créer des tensions.
À mi-mandat, quelles sont vos relations avec la tutelle ?
Nous constatons une écoute, un partage et des avancées réelles. Nous sommes en confiance. Mais aujourd’hui, nous tirons la sonnette d’alarme en disant que le plan hôpital nous laisse un peu de côté. On veut aussi que la pluriannualité soit bien claire et que la prochaine campagne tarifaire en mars 2020 soit positive.
La ministre s’est opposée à la privatisation du centre hospitalier de Longué-Jumelles (Maine-et-Loire) pourtant très déficitaire. Le vivez-vous comme un camouflet ?
Non, car il y a quelques années, cette discussion n’aurait même pas pu être mise sur la place publique. Ça avance ! J’avais déjà proposé il y a dix ans que des établissements privés reprennent des hôpitaux en difficulté selon deux conditions : aucun licenciement et aucune demande de relance budgétaire. Ce débat refait surface, j’en suis ravi. Le privé ne va pas dénaturer les services hospitaliers, ces craintes n’ont pas lieu d’être.
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