À peine l'expérimentation sur la vente au détail de médicaments par les officinaux a-t-elle pris fin à l'automne dernier, que deux candidats à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, reprennent à leur compte ce dispositif dans leur programme électoral.
« Qui n'a pas chez soi une boîte à pharmacie remplie de médicaments, s'interroge Emmanuel Macron sur le site d'En-Marche, c’est un gâchis, et pour le porte-monnaie des Français et pour les comptes publics. » De son côté, la candidate de l'extrême droite, Marine Le Pen indique sur « marine2017.fr » vouloir « réaliser des économies en développant la vente à l’unité des médicaments remboursables ».
Menée par une centaine de pharmaciens volontaires indemnisés, l'expérimentation lancée en 2014 pour lutter contre la surconsommation des médicaments et réaliser des économies n'a pourtant pas mis en évidence sa pertinence. « Cette pratique permet d'éviter qu'on se retrouve avec des armoires à pharmacie pleines de médicaments qu'on ne consomme pas », expliquait la ministre de la Santé lors de la présentation du projet de loi.
Les antibios, mauvaise cible
L'expérimentation a visé 14 antibiotiques. Des pénicillines comme l'amoxicilline-acide clavulanique, des céphalosporines de 3e génération comme le cefpodoxime, et des fluoroquinolones, comme la loméfloxacine. Elle s'est déroulée dans quatre régions : Île-de-France, Limousin, Lorraine et PACA. Achevé depuis l'automne, ce test en réel a été évalué par l'INSERM, mais son avis n'a pas été rendu public ne permettant pas de savoir si l'expérimentation a permis de faire baisser les volumes et de réaliser des économies. À entendre les pharmaciens, sur le terrain le bilan est plus que mitigé.
Le choix des antibiotiques comme objet du test est largement critiqué. « La durée des traitements antibiotiques est très encadrée, attaque Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), syndicat qui s'était prononcé contre cette expérimentation. Et quand un médecin prescrit un traitement de cinq jours dans une affection déterminée, le conditionnement correspond le plus souvent à cette prescription. » Il aurait donc mieux valu, selon lui, choisir une autre classe thérapeutique.
À l'Union nationale des pharmacies de France (UNPF), le président, Jean-Luc Fournival abonde alors que son syndicat s'était déclaré favorable à l'expérimentation. Selon lui, la cible pertinente pour cette expérimentation aurait été les « si besoin », souvent des antalgiques qu'un praticien prescrit généralement en sus d'un traitement chronique et que le patient prend uniquement s'il en ressent la nécessité. Ces « si besoin » pourraient selon lui être délivrés à l'unité en fonction de ce qui a été réellement consommé le mois précédent.
Surcroît de travail
Mais la gestion quotidienne de cette délivrance à l'unité pose elle aussi problème. Gilles Bonnefond en liste les inconvénients, comme devoir découper des blisters avec des ciseaux, stocker à part des boîtes entamées, photocopier la notice, « sans parler des risques de confusion pour un patient qui se retrouve avec des médicaments en vrac, et sans les informations figurant sur la boîte, ni la date de péremption ».
Chez les prescripteurs non plus, l'enthousiasme n'est pas au rendez-vous. Le Dr Claude Leicher, président de MG France, craint que la sécurité des patients ne soit pas assurée avec « des comprimés à l'air libre sans aucune information ». Il redoute que la délivrance au détail constitue un surcroît de travail pour les pharmaciens. Même analyse au SML. « Le déconditionnement pose de gros problèmes d’hygiène, d’erreurs, et de perte de temps, juge le syndicat. Il interdit la traçabilité des médicaments. Enfin, il n’empêche pas l’arrêt intempestif des traitements, et ne change rien aux problèmes économiques. »
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