Fragile septuagénaire, la Sécu est dignement célébrée depuis quelques jours. Le Sénat, lundi, a rappelé ses fondements gaullistes lors d’un colloque. Mardi, au ministère de la Santé, Marisol Touraine a donné le coup d’envoi des festivités autour de cet anniversaire symbolique.
Patrimoine commun
Au-delà des hommages vibrants, les principes de la Sécu d’après-guerre n’ont guère résisté aux réformes. Le financement ? Hier assis sur les seuls salaires et les cotisations, il s’est largement fiscalisé (CSG, CRDS, taxes diverses). Le paritarisme de gestion à l’assurance-maladie a volé en éclats en 2004 (et il est contesté dans la branche famille). Quant au périmètre initial de la Sécu (l’assurance sur une base professionnelle), il a été élargi avec les mécanismes de généralisation de la couverture (dont la CMU) et les lois de financements votés par le Parlement.
Pour autant, souligne Philippe Bas, sénateur UMP de la Manche, ex-ministre de la Sécurité sociale, il subsiste de la Sécu de 1945 un « patrimoine commun essentiel, la leçon du Conseil national de la résistance, cette volonté de souder les Français par la solidarité ». Marisol Touraine salue un « grand acquis de notre République », un « trésor » d’une « formidable modernité » qui lie le malade au bien portant, le retraité au travailleur, l’enfant à l’adulte.
Monopole contesté
Et pourtant. Plusieurs facteurs fragilisent le modèle français de protection sociale et tout particulièrement le système d’assurance-maladie : le poids des déficits sociaux et de la dette accumulée que la Cour des comptes épingle à longueur de rapports argumentés ; la montée en puissance des complémentaires dans la gestion du risque et les réseaux de soins ; enfin la concentration du régime obligatoire sur les soins lourds (hôpital, ALD) et son désengagement de la médecine courante à la faveur des forfaits, franchises, déremboursements et dépassements d’honoraires non solvabilisés. Même si, bon an mal an, la Sécu couvre toujours 75 % environ du total des dépenses de santé, comme le rappelle Marisol Touraine (14 % sont prises en charge par les complémentaires, 11 % par les ménages).
Aujourd’hui, c’est la légitimité de la Sécu qui est remise en cause. Des professionnels ou des mouvements libéraux récusent l’affiliation obligatoire et prétendent quitter la Sécu (lire aussi page 3).
Autre handicap majeur : le défaut de lisibilité et d’efficacité. De l’avis de tous les experts, la gouvernance d’une part (régimes, caisses multiples) et d’autre part le financement de la protection sociale française sont devenus totalement illisibles, éloignant la « Sécu » des Français. « Nous avons cette obsession de construire des tuyauteries infernales, on n’y comprend plus rien », se désole le Dr Bernard Accoyer, député UMP.
Plus grave, la Sécu est accusée de grever la compétitivité française et de contribuer au chômage de masse, d’où la piste récurrente d’une TVA « sociale » pour diversifier son financement.
Replâtrage ou rupture ?
La réforme de la Sécu, et en particulier de l’assurance-maladie, sera-t-elle au menu des programmes pour la prochaine élection présidentielle ? Rien n’est moins sûr tant le sujet est technique et le terrain miné.
Des pistes sont sur la table : élargissement des recettes, réforme du panier de soins (ce qui relève de la solidarité nationale), encadrement strict des dépenses hospitalières, nouvelle construction de l’ONDAM, lutte contre la fraude sociale. Marisol Touraine a promis cette semaine une « simplification radicale » de la couverture des soins pour sécuriser les droits sociaux et éviter les « trous » de prise en charge liés aux changements d’activité ou de résidence. Cette réflexion pourrait déboucher, à terme, sur un régime maladie universel, annonce Marisol Touraine.
Des défis majeurs attendent la Sécu septuagénaire : l’augmentation de l’espérance de vie, l’explosion des pathologies chroniques, la médecine personnalisée, la dépendance. Pour éviter la dérive financière, Frédéric van Roekeghem, ancien directeur général de la CNAM, aujourd’hui directeur exécutif de MSH International, préconise une réforme radicale : inscrire dans la Constitution l’interdiction du principe d’endettement de la Sécu de base. Une règle d’airain que les gouvernements se sont bien gardés de graver dans le marbre.
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