Une partie des syndicats de la psychiatrie publique craint que les spécificités de la psychiatrie ne se perdent dans les groupements hospitaliers de territoire (GHT). La ministre de la Santé défend dans une récente lettre sa loi et promet une mission sur les financements dédiés à la psychiatrie.
L’article 13 de la loi santé, redéfinissant la politique de santé mentale autour d’un projet territorial, élaboré par les professionnels sur la base d’un diagnostic partagé, fait consensus au sein des psychiatres du public. En revanche, l’article 27 sur les GHT cristallise les inquiétudes. Et la lettre de Marisol Touraine datée du 16 octobre ne convainc pas les sceptiques.
La ministre de la santé persiste et signe : « Le projet de loi permet la constitution de GHT dédiés à la psychiatrie dès lors que le diagnostic territorial conduit en lien avec l’agence régionale de santé (ARS) le justifie. Dans tous les cas, le préalable à tout GHT est celui de la construction pour les équipes médicales d’un projet médical commun. »
Pas de GHT spécifiques de psychiatrie dans la loi, donc. C’est la souplesse du cas par cas, en fonction des projets médicaux, qui prime, avec la possibilité pour les établissements de créer des communautés psychiatriques de territoire, elles aussi facultatives.
Spécificité de la psychiatre
« Sans la garantie d’un GHT qui lui est dédié, la psychiatrie aura vocation à être la variable d’ajustement de l’équilibre de l’hôpital » et de perdre en représentativité, craint le Dr Norbert Skurnik, président de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (IDEPP). L’inquiétude porte sur les services de psychiatrie des hôpitaux généraux qui seront intégrés à un GHT MCO, non sur les gros établissements de santé mentale (EPSM) ou les centres hospitaliers référents.
« Dans le Nord-Pas-de-Calais, 65 % des structures psychiatriques sont dans des hôpitaux généraux, ce qui a permis d’équilibrer les risques que la T2A fait porter sur les autres spécialités », accuse le Dr Marc Bétrémieux, président du syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH). Sans le tampon de la loi, avec le dernier mot confié à l’ARS, les GHT dédiés à la psychiatrie (à l’image de la communauté hospitalière de territoire à Paris, regroupant Maison-Blanche, Sainte-Anne, et Perray-Vaucluse) risquent d’être l’exception, craint-il.
C’est aussi la continuité des soins qui est menacée, selon le Dr Bétrémieux. « Le modèle de GHT MCO n’est pas en phase avec les besoins de la psychiatrie où la continuité doit être relationnelle », explique-t-il.
Sur une ligne semblable, le Dr Michel Triantafyllou, président du syndicat des psychiatres d’exercice public (SPEP) demande des communautés psychiatriques de territoire obligatoires en l’absence de GHT psychiatrie. « C’est la garantie d’un projet médical spécifique pour toutes les structures psychiatriques » dit-il. Une manière aussi de contrer les interprétations du GHT très différentes selon les ARS.
La balle aux acteurs locaux
Le Dr Christian Müller, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d’établissements de centres hospitaliers spécialisés (CME-CHS), lit d’un œil plus optimiste la ministre. « Marisol Touraine fait des projets médicaux la condition sine qua non des GHT. Elle souligne les différentes options de coopération permises par les communautés psychiatriques de territoire, qui intègrent les établissements médico-sociaux et sociaux, à la différence des GHT », commente-t-il.
Le Pr Bernard Granger, président du syndicat universitaire de psychiatrie (SUP) salue la souplesse du dispositif, en particulier les communautés psychiatriques de territoires où les services universitaires, non sectorisés, auront toute leur place. « Aux acteurs locaux de les créer et de les faire vivre », dit-il.
Au-delà des divisions, tous nourrissent de grands espoirs quant à l’annonce de la ministre de la santé d’engager des travaux sur « une meilleure identification des financements ».
Coline Garré
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes