L’impact de la grippe chez l’enfant
« La grippe est une infection particulièrement fréquente chez l’enfant », rappelle le Dr Cohen. En effet, le taux d’attaque annuel de la grippe de 5 à 10 % chez l’adulte, est estimé entre 15 % et 30 % chez l’enfant : « cette forte incidence est due à une absence d’immunisation au cours des premières années de vie et aux risques élevés d’infection liés à la vie en collectivité », explique-t-il. En pratique clinique, tant en ville qu’à l’hôpital, l’infection grippale est largement sous-diagnostiquée chez l’enfant, puisque dans la plupart des cas, les symptômes présentés par les plus petits ne permettent pas de poser de diagnostic clinique. Si la grippe se révèle en outre, le plus souvent bénigne, les risques d’hospitalisation et de décès sont particulièrement importants au cours des deux premières années de vie. Ainsi, le risque de décès est dix fois plus élevé chez les nourrissons de moins de 1 an, avec un risque maximal pour les moins de 6 mois, par rapport à la tranche d’âge des 5-9 ans. « Souvent les nourrissons sont hospitalisés soit pour des complications de la grippe elle-même, soit pour des complications du syndrome fébrile et en particulier des convulsions, et le diagnostic n’est pas fait en France car les tests de diagnostic rapide et/ou les prélèvements viraux sont loin d’être systématiques. »
La vaccination : pour quels enfants ?
« Concernant la vaccination contre la grippe, deux stratégies différentes ont été envisagées chez l’enfant. » En effet, compte tenu de l’impact de la grippe dans la société, certains pays comme les États-Unis et quelques pays d’Europe, ont choisi de procéder à la vaccination systématique de tous les enfants à partir de l’âge de 6 mois. En France, et comme dans la majorité des autres pays d’Europe, on préconise de vacciner uniquement les enfants porteurs de certains facteurs de risque : « il s’agit pour l’essentiel des enfants asthmatiques et des anciens prématurés qui ont présenté des problèmes respiratoires ». Sont également concernés les enfants atteints d’autres maladies chroniques broncho-pulmonaires, de maladies cardiaques, d’insuffisance rénale, de syndrome néphrotique, de certaines maladies du sang comme la drépanocytose, de diabète, de déficits immunitaires cellulaires et enfin les enfants recevant un traitement prolongé par aspirine pour syndrome de Kawasaki ou arthrite chronique juvénile.
« Chez les nourrissons de moins de 6 mois, le vaccin n’est pas indiqué, rappelle le Dr Cohen, faute d’études. Et pourtant, ces nourrissons représentent la population à protéger en priorité. » On recommande donc une protection indirecte des nourrissons présentant des facteurs de risque par la vaccination de l’entourage familial. Les nourrissons considérés comme « à risque » sont les anciens prématurés, notamment ceux porteurs de séquelles de type bronchodysplasie, les nourrissons atteints de cardiopathie congénitale, de déficit immunitaire congénital, de pathologie pulmonaire ou neurologique, ou d’une affection de longue durée.
En pratique, deux injections sont nécessaires la première année de vaccination. Ces deux injections sont réalisées à un mois d’intervalle. Une seule injection sera nécessaire les années suivantes. Enfin, entre 6 mois et 3 ans les injections sont d’une demi-dose, puis d’une dose pleine à partir de 3 ans.
Une efficacité limitée chez l’enfant
Les vaccins contre la grippe disponibles actuellement sont des vaccins non activés et non adjuvés. « Les enfants ne répondent pas très bien à ce type de vaccin, commente le Dr Cohen, même si la souche circulante est parfaitement appariée, car leur immaturité immunitaire est encore trop grande. » Nous nous immunisons en effet contre la grippe par couches successives et donc au bout de plusieurs années ; le vaccin n’est donc pas aussi efficace chez l’enfant que chez l’adulte. Ainsi entre 6 mois et trois ans, le taux d’efficacité du vaccin n’est que de 40 % chez l’enfant, d’où la nécessité d’en développer de nouveaux.
Bientôt deux nouveaux vaccins
Deux pistes sont explorées à l’heure actuelle. La première concerne un vaccin vivant nasal qui a obtenu l’AMM en 2010 en Europe. Ce vaccin, administrable à partir de l’âge de 2 ans, possède une efficacité remarquable, de l’ordre de 80 à 90 %. « Il devrait être disponible en Europe à partir de la saison 2012-2013 », nous confie le Dr Cohen. L’autre piste concerne un vaccin adjuvé avec le MF 59, administrable à partir de l’âge de 6 mois, et dont les résultats apparaissent comme très supérieurs au vaccin inactivé actuel (avec une efficacité clinique supérieure à 80 %). Ce vaccin est actuellement en cours d’évaluation par l’Agence européenne du médicament. « Lorsque ces vaccins arriveront sur le marché, il deviendra alors très tentant d’élargir les indications de la vaccination chez l’enfant, conclut le Dr Cohen, d’autant que le vaccin nasal, d’administration très simple et sans piqûre (quelques gouttes dans le nez), risque de faire beaucoup mieux accepter la vaccination annuelle. » Une vaccination que l’on pourrait donc voir se généraliser chez l’enfant d’ici quelques années.
D’après un entretien avec le Dr Robert Cohen.
Dr Robert Cohen : pas de conflit d’intérêt déclaré dans le domaine des vaccins anti-grippaux.
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