Fini les enfants qui descendent au bloc sans savoir ce qui les attend : la recherche et le recueil du consentement aux soins des enfants entrent progressivement dans les pratiques. « Les médecins et les soignants mettent davantage l’accent sur l’information, se félicite le Dr Catherine Devoldère, pédiatre oncologue au CHU d'Amiens, présidente de l’association Sparadrap qui milite pour l’information des enfants avant un soin. Cette évolution s’est mise en place en parallèle de la prise en charge de la douleur et de l’amélioration de la qualité des soins. Elle est aujourd’hui alimentée par des textes comme la loi de mars 2002 relative aux droits des malades ».
La prise de conscience de l’importance de la parole de l’enfant a notamment été initiée par la Charte internationale des droits de l'enfant de l'ONU, adoptée en 1989. Dans son article 12, elle reconnaît « à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ». Ce texte fondateur en a inspié d'autres. Le Code de santé publique instaure le « consentement libre et éclairé » des patients. « Pour les mineurs, c’est le consentement des titulaires de l’autorité parentale qui est recherché. On pourrait penser que cela est suffisant dans la mesure où les parents sont censés associer l'enfant aux décisions le concernant. Mais, dans la réalité, ce n’est pas le cas », constate Geneviève Avenard, Défenseure des enfants.
Un enjeu pour la qualité des soins
Qu’entend-on dès lors par consentement lorsqu’il s’agit d’enfant ? « Les textes restent assez flous. Il en ressort seulement que les mineurs doivent être informés et recevoir une information adaptée à leur capacité de compréhension », note Catherine Devoldère. Résultat : les modalités de transmission des informations et de recueil du consentement varient d’un établissement ou d’un praticien à l’autre. « À l’arrivée dans un service d’oncologie, par exemple, les soins peuvent commencer très vite. Le médecin donne les informations au mieux au jeune malade et aux parents. Il y a bien un consentement, mais il n’est pas toujours bien éclairé », juge Edwige Rude-Antoine, juriste et sociologue, auteure de l’ouvrage « Cancer de l’adolescent et du jeune adulte. Éthique et humanisme ».
Le consentement éclairé requiert donc une information médicale précise et adaptée. « Les enjeux du traitement doivent être clairs : on n’informe pas seulement de la thérapie utilisée, mais aussi sur les effets secondaires et sur les conséquences de l’absence de soins », conseille Edwige Rude-Antoine. Au sein de l’association Sparadrap, un travail est mené pour élaborer des supports visuels et des fiches informatives destinés aux enfants, mais aussi aux adultes chargés de les informer (parents ou professionnels). « Un enfant pourra par exemple voir et comprendre ce qu’est une ponction lombaire, ce qu’on va lui faire, ce qu’il va ressentir, etc., explique Catherine Devoldère. Une fois informé, l’enfant devient un acteur des soins : il a moins peur et a donc moins mal. Les soins courants comme les soins spécifiques ne doivent en aucun cas être vécus comme une violence ou une maltraitance ».
Pour Geneviève Avenard, un des enjeux est en effet la qualité de la prise en charge. « Il s’agit d’abord d’améliorer la qualité des soins dispensés par une meilleure implication, une meilleure participation du jeune patient. L’article 4 de la Charte européenne des droits de l’enfant hospitalisé stipule que l’information des enfants leur permet de participer aux soins qui les concernent. Leur donner l’information la plus adaptée à leur âge et à leur situation favorise une alliance thérapeutique pour assurer des soins de qualité. L’enjeu est aussi celui de l’éducation à la santé dès le plus jeune âge. Cette éducation ne s’improvise pas quand on devient adulte, elle se construit progressivement ».
Une information précise et adaptée
Cette approche doit être complétée par la parole des professionnels de santé. Il est important que « l’information soit donnée par une personne compétente, un pédiatre qui adapte son discours au niveau de maturité de l’enfant », insiste Catherine Devoldère. « Dans le soin, comme dans la recherche, il faut veiller à l’établissement et au maintien de l’alliance, mais aussi à transmettre une information authentique, non brutale, sans violence, ni trahison », appuie le Pr François Doz, pédiatre oncologue, directeur adjoint de la recherche clinique à l'Institut Curie.
Les praticiens doivent par ailleurs s’assurer que l’information a été comprise. Il s’agit pour Catherine Devoldère d’une étape indispensable : « il ne faut pas seulement donner ou lire les documents à l'enfant, mais lui laisser le temps de s’approprier l’information, lui faire verbaliser ce qui a été transmis ». Dans les cas de cancer, « l’enfant et la famille vivent un véritable tsunami à l’annonce de la maladie », témoigne Muriel Hattab, présidente de l’association Princesse Margot, qui accompagne les familles d’enfants atteints de cancer. « L’état de sidération liée à l’annonce ne permet pas d’être partie prenante d'un consentement éclairé », ajoute Edwige Rude-Antoine. La notion de temps et les conditions d’information se révèlent ainsi importantes dans le recueil d’un consentement éclairé. Le Comité de protection des personnes prévoit d’ailleurs, dans les protocoles d’intégration aux essais cliniques, un délai d’information à respecter.
La participation des enfants à des essais cliniques soulève d’autres enjeux éthiques. « Dans un protocole de recherche, en tant qu’investigateur, nous devons respecter le refus de l’enfant, même si les parents ont donné leur accord » rappelle Catherine Devoldère. « Il faut toujours veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant et s’assurer que l’on ne fait rien malgré lui » indique François Doz. « Quand on propose l’inclusion dans un essai thérapeutique, l’implication de l’enfant, en tenant compte de son âge et de sa maturité, est indispensable, car la participation à un essai n’est qu’une option et non une obligation, poursuit le professeur. Dans les situations sans traitement efficace connu en termes de guérison, il faut, comme toujours, s’acharner à soigner les symptômes douloureux et d’inconfort et il est également impératif de rappeler les options possibles sur le plan des traitements oncologiques : ne donner aucun traitement oncologique et laisser l’enfant profiter du temps qui lui reste, donner un traitement connu dont on sait qu’il n’offrira pas la guérison mais peut éventuellement participer au contrôle symptomatique et au ralentissement du cours de la maladie ou participer à un essai innovant ».
Reste que la formation des médecins et des professionnels de santé en matière de consentement des enfants apparaît insuffisante. « Trop souvent, les médecins se forment sur ces questions au contact de professionnels plus expérimentés », souligne Catherine Devoldère. « Les évolutions sont encourageantes, mais beaucoup reste à faire. »
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