Commandée par Emmanuel Macron le 31 mai, la mission « flash » menée par le Dr François Braun, patron de Samu-Urgences de France sur les urgences et les soins non programmés démarre dans un contexte de forte tension à l'hôpital. Actuellement, 120 services d'urgences des quelque 620 établissements publics et privés sont confrontés à de graves « difficultés ». Épaulé par cinq personnalités aux « profils intéressants » (le Pr Karim Tazarourte, président de la Société française de médecine d'urgence, le Dr Antoine Leveneur, président de la conférence nationale des URPS de médecins libéraux, la Dr Delphine Tortiget, généraliste à Cergy - lire page 8 - et Thomas Deroche, directeur général de l’ARS Normandie), l'urgentiste a jusqu'au 28 juin pour rendre sa copie.
Comment s'organiser en amont (prise en charge des soins non programmés en ville) comme en aval (gestion des lits, permanence des soins à l'hôpital…) pour passer le cap difficile de l'été ? « Il n'y aura pas de solution miracle, affirme au « Quotidien » le chef des urgences du CHR de Metz, mais un panel d'outils ». « La maladie est connue et le diagnostic posé, poursuit-il. Des solutions sont déjà sur la table mais il faudra juste les affiner un peu au regard de la crise Covid. On doit par exemple tenir compte du fait que les soignants quittent l'hôpital ou le métier par épuisement ». Conformément à sa lettre de mission, le Dr Braun doit identifier « les dysfonctionnements » et proposer des mesures « rapidement applicables » pour « maintenir la continuité de l'accès aux soins urgents dans les mois qui viennent ». C'est sur cette base, a expliqué le chef de l'État que des décisions seront prises « pour permettre de mobiliser davantage de médecins et retrouver de l’attractivité dans certains secteurs».
Collecter et labelliser
Pour affiner le diagnostic, la mission va aussi s'appuyer sur « des informations croisées de toutes les sources possibles : les syndicats, les fédérations hospitalières publiques et privées et les collectifs ». Une « cartographie » des difficultés et des solutions sera ensuite établie. L’objectif est de « collecter les dispositifs existants », de les « labelliser » et les mettre à la disposition des territoires sous la forme de « boîte à outils » avec un accompagnement réglementaire et/ou financier. « Nous avons déjà recensé 150 pistes possibles, détaille le Dr Braun. Notre volonté est de proposer des solutions à la carte. Chaque territoire devra se positionner sur ses problèmes ». La mission va aussi proposer de construire des « indicateurs » pour évaluer les actions dans les deux mois qui suivent. « Si on augmente la rémunération des actes des généralistes pour qu’ils acceptent de faire ce que demande la régulation dans le cadre du service d'accès aux soins par exemple, on doit savoir si ça a marché. Si c'est le cas, on pourra le pérenniser », confie-t-il. D'autres indicateurs sont aussi à l'étude ? « Cela pourrait être le nombre de passages évitables aux urgences ou le nombre d'actes réalisés sur demande du SAS en journée », précise-t-il.
Depuis plusieurs mois, dans des régions, des solutions « opérationnelles » se sont multipliées, grâce souvent à une mobilisation collective entre la ville et l'hôpital. À Cherbourg, par exemple, où s'est rendu Emmanuel Macron la semaine dernière, l'entrée des services d'urgences est régulée dès 15 heures. Ici, grâce à un fonctionnement collégial entre libéraux et hospitaliers, soutenu par l'ARS Normandie, un système de régulation téléphonique via le centre 15 assuré par le Samu avec un renfort de médecins libéraux « pour la tranche 18 heures-20 heures », témoigne le Dr François Cholet. Ce vice-président de l'URML Normandie affirme qu'un renfort d'effecteurs libéraux est aussi envisagé pour la tranche de 15 heures-18 heures, avec un appui de l'association SOS médecins.
Dans le Val-d'Oise, à Cergy, un autre partenariat ville-hôpital pourrait servir de modèle. Selon la Dr Delphine Tortiget, généraliste et membre de la mission flash, libéraux et hospitaliers ont, ici, proposé des prises en charge directes des malades du Covid sans passer par les Urgences. « Une ligne téléphonique est dédiée dans les services pour avoir directement un avis médical de spécialistes sans appeler les standards de l'hôpital », détaille-t-elle. Sur la table, parmi ces150 pistes déjà identifiées par la mission, on note aussi la mise en place de « Smur sans docteur » suggéré par le Dr Thomas Mesnier, député de la Charente et urgentiste ou encore la revalorisation du travail de nuit et le week-end pour les professionnels de santé, fortement recommandée par le Sénat dans son rapport rendu en mars sur l'hôpital. « Cela pourrait être décliné de façon différente pour les hospitaliers et les libéraux, reconnaît le Dr Braun. Pour les premiers, on pourrait déjà reconduire les mesures prises pendant le Covid comme le doublement de l’indemnité de sujétion de nuit ou encore la défiscalisation du travail additionnel ».
Choc d'attractivité et incitations financières
Mais le lancement de cette mission ne soulève pas l'enthousiasme. « Ce n’est pas d’un rapport dont les urgences ont besoin, mais d’un plan d’actions immédiat », tacle la Dr Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales du Sénat. Même souhait du côté de plusieurs centrales de praticiens hospitaliers, qui réclament des hausses de salaires et d'effectifs sans attendre le résultat de la mission flash. Les libéraux, eux, refusent de jouer les boucs émissaires. Reçus par Brigitte Bourguignon, la semaine dernière, plusieurs syndicats (CSMF, MG France, le Bloc) rappellent que la médecine libérale est prête à prendre ses responsabilités mais pas à n'importe prix. Refusant absolument le retour des gardes obligatoires prônées par la FHF, les libéraux misent sur des mesures incitatives comme une valorisation du cumul emploi retraite pour permettre aux praticiens en âge de partir de poursuivre, notamment cet été et surtout « une meilleure rémunération dans le cadre du service d'accès aux soins et de la permanence des soins ». La balle est dans le camp du gouvernement.
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