Le Dr Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (SYNGOF), persiste et signe dans son combat pour le maintien d'une clause de conscience spécifique à l'IVG. Depuis le 11 septembre dernier et l'entretien qu'il a donné à l'émission « Quotidien », sur TMC, ses propos enflamment les réseaux sociaux, les associations et le monde médical. À la question « ce n'est pas un homicide de faire une IVG », le Dr de Rochambeau avait répondu « si, madame », estimant que, s'il ne veut pas pratiquer d'IVG, « la loi [le] protège » (voir la vidéo en fin d'interview).
LE QUOTIDIEN : Vos propos sur l'IVG dans « Quotidien » ont provoqué un tollé. Agnès Buzyn et Marlène Schiappa ont « condamné fermement » votre prise de position, l'Ordre a assuré que « la clause de conscience ne saurait être un moyen de se soustraire à la loi et aux dispositions de la déontologie médicale ». Maintenez-vous vos propos ?
Dr BERTRAND DE ROCHAMBEAU : Ma position personnelle a été mise en avant et assimilée à celle du syndicat. Or ma position personnelle de médecin ne regarde que moi. En revanche, elle s'inscrit dans la défense de la clause de conscience des médecins, que le syndicat fait sienne. Cette clause de conscience est remise en cause ouvertement. Plusieurs amendements lors de la loi santé de Marisol Touraine allaient déjà dans ce sens. Or il n'y a pas de raison de supprimer la clause de conscience spécifique. On parle de l'IVG, là !
Si l'on supprime la clause de conscience, les médecins ne pourront plus dire non. Or l'IVG n'est pas une opération comme une autre. La loi Veil l'a simplement dépénalisée. C'est un compromis : on veut aider une femme en grande détresse* et interrompre sa grossesse. Certes ce n'est pas un homicide - je n'ai pas été assez vigilant au terme employé par la journaliste, que je n'ai pas repris, et je n'ai pas dit que c'était un crime - mais c'est l'arrêt d'une vie. Il faut donc concevoir que pour un certain nombre de médecins, ce soit difficile. Le SYNGOF ne remet pas en cause la loi, nous ne sommes pas contre l'IVG, mais sa défense ne peut aller contre les médecins.
Le SYNGOF est-il favorable à une clause de conscience pour la fin de vie ?
C'est un autre sujet qui n'a pas été traité au niveau syndical. Nous serons très vigilants sur la question de l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP) : s'il n'y a pas un consensus complet, je pense qu'il y aura très probablement la demande d'une clause de conscience spécifique pour l'ouverture de l'AMP à un cadre différent de ce qu'il est actuellement.
En matière d'IVG, la clause de conscience du code de déontologie ne suffit-elle pas ?
Non. Car l'IVG est encadrée par la loi. Le code de déontologie et la pratique quotidienne de la médecine sont autre chose. Pourquoi a-t-on encadré l'IVG et l'AMP par la loi ? Ce ne sont pas des actes ordinaires, comme une appendicite, une césarienne ou le traitement d'un cancer. L'encadrement par la loi de ces actes donne les conditions dans lesquelles on peut les réaliser. Si vous supprimez dans la loi dédiée à ces actes la clause de conscience, demain, les médecins n'auront plus de possibilité de se rétracter.
Dans la vidéo de votre entretien, on ne vous voit pas dire que, puisque vous ne faites pas d'IVG, vous orientez les femmes vers d'autres confrères susceptibles de répondre à leur demande comme le dit la loi…
Si je l'ai dit. Mais seules 15 secondes de 15 minutes d'entretien ont été reprises au montage. Elles étaient issues d'une réponse à une question qui n'était pas dans le sujet : la clause de conscience.
Tous les gynécologues ne partagent pas vos opinions. Le CNGOF parle d'une « clause de conscience qui est réaffirmée de manière spécifique et superflue pour l'IVG ». Dans quelle mesure vous sentez-vous représentatif des gynécologues ?
Le combat du collège est celui du collège. Moi, je porte le combat du syndicat. Les gens qui m'ont élu me soutiennent. S'il y a un collège et un syndicat, c'est que nous ne partageons pas les mêmes préoccupations. Nous sommes le syndicat qui représente les gynécologues. Même si j'exerce en libéral, nous défendons nos collègues du service public pour qu'on ne les oblige pas à faire des choses qu'ils ne veulent pas faire.
Dans la Sarthe, l'activité d'IVG est interrompue depuis neuf mois : le médecin qui l'exerçait est parti à la retraite, ses trois confrères ont fait valoir leur clause de conscience. Une situation compliquée pour les femmes…
Vous faites retomber la responsabilité sur les médecins alors qu'elle incombe au directeur de l'hôpital qui a la tâche d'organiser le service d'orthogénie dans l'hôpital. La loi dit aussi que chaque maternité publique doit offrir ce service. Et en dernier ressort, c'est de la responsabilité du ministère et de l'État.
N'est-ce pas à un syndicat de s'assurer de l'effectivité du droit à l'IVG ?
C'est le rôle de l'État, qui a créé un service public de planning et d'orthogénie. Les syndicats ne sont pas cogestionnaires.
Pensez-vous que beaucoup de médecins partagent vos positions ?
Oh oui !
Alors comment les directeurs d'établissement peuvent-ils assurer une activité d'IVG ?
C'est leur problème. Aujourd'hui, tous les médecins, les généralistes notamment, ainsi que les sages-femmes, peuvent faire des IVG. Soit potentiellement 222 000 personnes. Et on nous dit qu'on ne trouve plus assez de gens pour faire des IVG ! On met en souffrance les médecins ; si on n'y prend pas garde ils seront forcés demain à faire des IVG.
Et la souffrance des femmes ?
Tous les jours de ma vie professionnelle, je soulage les femmes. Je passe mon temps à penser aux femmes. Pour qu'une IVG soit bien faite, il faut que le médecin soit d'accord pour la faire.
« Nous ne sommes pas là pour retirer des vies. »
— Quotidien (@Qofficiel) September 11, 2018
Le docteur Bertrand De Rochambeau est président du syndicat des gynécologues et il refuse de pratiquer des IVG. Il a accepté de répondre à @valentineoberti.#Quotidien pic.twitter.com/hXu78bEDEi
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