La cité du Sanitas, en plein cœur de Tours. La gare est à cinq minutes à pied, comme le centre-ville. Il y a trois stations de tram, plusieurs lignes de bus qui desservent les deux CHU de la ville, un petit centre commercial, une pharmacie un labo. Beaucoup de logements ont été réhabilités, il y a des espaces verts, un marché deux fois par semaine. Et pourtant c’est le quartier le plus pauvre de tout le département, avec un taux de chômage dépassant les 20 %. Et tout un secteur devenu un marché de la drogue à ciel ouvert.
Sanitas, un nom qui interpelle. Il y a une avenue Saint-Lazare, pas par hasard. Du temps de Louis XI, c’est là que se trouvait la maladrerie qui accueillait les lépreux. Au début des années 60, on a construit à toute vitesse des logements pour accueillir nos compatriotes rapatriés d’Algérie. Puis peu à peu les habitants ont changé, le Sanitas est aujourd’hui le lieu de vie de nombreuses familles immigrées, mais aussi de jeunes, mineurs ou non, en situation irrégulière.
Sur une des places de la cité, au rez-de-chaussée d’un immeuble de quatre étages, une pancarte indique « CPO »., le Centre de Soins Porte Ouverte. Le créateur de cet endroit c’est un médecin généraliste, un de ces vrais médecins de famille. Il s’appelait Pierre Gandet, il fut un de ces héros de la Résistance aussi efficace que discret. À sa retraite, en 1988, il entraîna quelques confrères médecins généralistes, dont le Dr Jean-Paul Vignoles et des professionnels de santé dans ce projet d’offrir des soins appropriés et de qualité à toutes celles et ceux exclus du système de santé ou n’osant pas aller consulter par peur de voir leur situation irrégulière mise en danger.
« Ce n’est pas parce que des gens sont dans la précarité qu’il faut leur faire de pauvres soins » rappelait le Dr Vignoles à ses interlocuteurs. Et la soixantaine d’intervenants qui se relaient tous les jours au CPO, tous bénévoles, sont nourris de cette idée. Des généralistes, mais aussi des spécialistes, une gynécologue, un ophtalmo, des infirmières, des kinésithérapeutes et des pharmaciens. Car il faut gérer un stock de médicaments, issus des listes essentielles comme celles de l’OMS et fournies par un répartiteur spécialisé. Ce qui manque, ce sont les chirurgiens-dentistes, pas assez nombreux face à l’ampleur des besoins. Et il y a une équipe administrative et sociale aussi dévouée.
De l'urgence médicale aux drames humains
En quelques heures dans cet endroit, on passe des larmes au rire, de l’urgence vraie au besoin de trouver le réconfort, des drames humains les plus cruels à des consultations anecdotiques.
Ce jour-là c’est un mineur non accompagné qui était en larmes car le travailleur social venait de lui dire que sa demande d’asile était refusée. Son problème médical, lui, existait bel et bien et la probabilité de recevoir un traitement dans son pays d’origine était quasi nulle.
Puis il y eut une mère, géorgienne, et son fils dont la courbe de croissance refusait désespérément de rejoindre la zone « normale ». Là il faut que le médecin et les travailleurs sociaux mettent en branle les réseaux, avertissent le correspondant hospitalier, gèrent tout pour que ce petit bonhomme soit pris en charge.
La veille, la consultation avait été très difficile : un jeune mineur non accompagné, dont la cheville était visiblement fracturée. Aucune envie de s’étendre sur les causes, probablement une bagarre entre dealers. Un radiologue proche de la structure a accepté de faire l’imagerie gratuitement. Il a fallu trouver des béquilles et, muni d’un ticket de bus, le jeune a été dirigé vers les urgences du CHU à 25 minutes du centre-ville car il n’y a aucune ambulance, aucun VSL pour prendre en charge cette patientèle.
Et, en fin de consultation, arrive un petit monsieur au français un peu difficile à comprendre. Il dit être Roumain, décrit une pathologie qui pourrait évoquer des douleurs cardiaques. Jusqu’à l’arrivée de son copain, Rom lui aussi et qui fait comprendre que c’est le poids de l’accordéon dont ils jouent dans les rues tous les deux qui l’ennuie. Il était venu chercher une pommade au diclofénac.
Ces femmes et ces hommes font un travail efficace, profondément utile, dans un climat de confraternité et de collégialité totale sous la conduite d’un médecin généraliste, le Dr Bernard Royer, qui entretien le message de Pierre Gandet et de Jean-Paul Vignolles.
Le bien ne fait pas de bruit. Ils me pardonneront d’avoir troublé leur quiétude pour leur rendre hommage.
Exergue : Ce projet vise à offrir des soins de qualité aux exclus du système de santé
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