Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) Adeline Hazan, entend porter sur la place publique le débat sur l'isolement et la contention dans les établissements de santé mentale, en publiant chez Dalloz ce 25 mai un rapport thématique sur ce sujet, présenté comme une seconde privation de liberté, dans une première (l'hospitalisation sans consentement).
Pas de preuve scientifique
Adeline Hazan incite en priorité les professionnels de la psychiatrie à une remise en cause de leurs pratiques, alors que le phénomène se généralise sans qu' « aucune étude scientifique menée n'affirme l'efficacité thérapeutique de la contention ou de l'isolement » lit-on.
« Depuis 15-20 ans, on constate leur augmentation, sans que personne ne l'explique : baisse des traitements médicamenteux, manque de personnel, culture de la profession, du service ? », interroge Adeline Hazan. « Il est rare que les établissements n'y recourent jamais. Partout, nous avons constaté au moins une chambre d'isolement », décrit-elle.
« Le constat fondé sur la visite de 121 établissements de santé mentale (centres hospitaliers spécialisés et services psychiatriques d'hôpitaux généraux, unités pour malades difficiles et unités hospitalières spécialement aménagées), soit 40 % des 284 établissements recensés, fait état d'une grande diversité des pratiques, « entre les structures, mais aussi en leur sein, ce qui pose le problème de l'égalité de chacun face aux droits fondamentaux », souligne la CGLPL.
Banalisation et systématisation
Il existe d'évidents scandales, comme au centre psychothérapeutique de l'Ain, ou dans d'autres établissements où une chambre d'isolement mesure 6,20 m2, où un barème de jours de mise à l'isolement a été mis en place pour sanctionner des « comportements inadaptés » dans une perspective disciplinaire. La CGLPL dénonce tout aussi sévèrement une banalisation de la contention dans les chambres des patients, la systématisation de la mise à l'isolement des personnes détenues transférées en hôpital, l'absence de médiations mises en œuvre avant une contention (qui doit n'intervenir qu'en dernier recours), l'absence d'examen médical, la prescription de ces mesures assortie de la mention « si besoin », ou encore l'insuffisance de la surveillance par le personnel.
Adeline Hazan s'offusque encore des atteintes à l'intimité, en raison de la vidéo-surveillance, à la dignité (seau hygiénique, chaise percée, port du pyjama sans justification), ou de l'insuffisance des liens maintenus avec la famille.
La loi du 26 janvier 2016, une grande avancée… en théorie
Malgré le référentiel de l'ancienne Haute autorité de santé (HAS) de 1998 et les recommandations du CGLPL, le cadre réglementaire et législatif de la contention et l'isolement faisait défaut… au moins jusqu'à la loi de modernisation de notre système de santé, du 26 janvier 2016.
« Elle inscrit dans le code de santé publique que l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, sur décision d'un psychiatre, pour une durée limitée. Elles doivent être consignées dans un registre et les établissements doivent fournir un rapport annuel avec le nombre de placement à l'isolement et les moyens employés pour les éviter », se félicite Adeline Hazan, évoquant « une grande avancée ».
À quelques bémols près : « les médecins, les cadres de santé et les directeurs ne semblent pas informés. Il n'y a pas de prise de conscience de la part des établissements et des agences régionales de santé (ARS) de l'importance de cette loi et pas de changement sur le terrain », déplore Adeline Hazan. Le ministère de la Santé lui indique (depuis plus d'un mois) que la circulaire d'application est en cours de signature : « Cette loi est d'application immédiate », rectifie la CGLPL.
Des recommandations
Parmi ses recommandations, le contrôleur général des lieux de privation de liberté demande un recensement (qualitatif et quantitatif) des mesures de contention et d'isolement au niveau régional et national, et non seulement par établissement.
Elle réclame une meilleure notification de leurs droits aux malades (via la remise d'un support écrit et un affichage dans la chambre d'isolement), l'interdiction de la vidéosurveillance, la limitation de la durée de l'isolement à 24 heures et de la contention à 12 heures, la réalisation d'un examen psychiatrique préalable à la décision, ou encore la preuve de son caractère adapté, nécessaire et proportionné.
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