Examinée en procédure accélérée, la proposition de loi « Rist » visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification – soumise aujourd'hui au vote au palais Bourbon – a été très largement remaniée après avoir dressé contre elle une partie des médecins et des directeurs d'hôpitaux, puis essuyé des centaines d'amendements.
Ballons d'essai, reculades ou cafouillages au sein de la majorité, trois dispositions phares de cette proposition de loi (PPL) ne figurent plus dans le texte final.
Exit la création d'une profession médicale intermédiaire très controversée, à mi-chemin entre médecin à bac+10 et infirmière à bac+3. Mesure « prématurée », « inappropriée », recréation des « officiers de santé » du XIXe siècle : la fronde unanime des Ordres professionnels et des syndicats de praticiens libéraux et hospitaliers a obligé la rhumatologue Stéphanie Rist, rapporteure du texte, à abandonner l'idée initiale. Le ministère maintient sa « volonté pleine et entière » d'avancer sur le sujet mais se contentera pour l'instant d'un état des lieux de la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération.
Haro sur les directions communes
Plus question non plus de confier à l'établissement support d'un groupement hospitalier de territoire (GHT) la direction par intérim d'un hôpital en cas de vacance du poste de directeur. Le texte LREM ambitionnait de poursuivre l'intégration des GHT par le prisme des directions communes. Au bout d'un an, l'agence régionale de santé (ARS) pouvait prolonger cet intérim. Mais cette mesure, vue comme une « concentration des pouvoirs » et un « renforcement de la tutelle des GHT », a été supprimée. Plusieurs députés ont expliqué qu'une telle direction commune intégrée aurait éloigné la décision des petits hôpitaux. Des syndicats de directeurs avaient fustigé « le pire des modèles ». Olivier Véran s'en est remis à la « sagesse » de l'Assemblée, une façon de revenir sur son projet initial.
Le « 113 » ne sera pas non plus instauré comme « numéro unique de santé » avec le lancement dès janvier dans 22 sites pilotes des expérimentations sur le service d'accès aux soins (SAS, plateforme de gestion des appels urgents et des demandes de soins non programmés). Adoptée en commission à la faveur d'un amendement surprise du député et urgentiste Thomas Mesnier, ce numéro unique santé 113 a été biffé par le gouvernement en séance face au tollé des médecins libéraux. Olivier Véran préfère temporiser sur ce sujet sensible. « Il s'agit de laisser le temps aux expérimentations et d'inscrire le SAS sur le terrain avant de l'inscrire dans la loi, et pas l'inverse », a-t-il admis face aux députés.
Les excès de la loi HPST
La proposition de loi fera néanmoins bouger les lignes sur plusieurs sujets.
Au grand dam de certains syndicats médicaux, l'article 2 élargit les compétences des sages-femmes désormais autorisées à prescrire et renouveler des arrêts de travail selon les référentiels appliqués aux médecins (donc au-delà de 15 jours), mais aussi de prescrire des dépistages d'infections sexuellement transmissibles. Leur droit à la prescription de médicaments a aussi été élargi, tout comme sera facilité l'adressage au médecin spécialiste qui n'est pas en accès direct (sans pénalité pour la patiente).
À l'hôpital, en réhabilitant d'une part le service comme « échelon de référence » (en matière d’organisation, de pertinence, de qualité et de sécurité des soins, d’encadrement des internes et des étudiants ainsi qu’en matière de qualité de vie au travail) et en donnant d'autre part aux directeurs et aux présidents de commission médicale d'établissement (CME) la possibilité « d'organiser librement le fonctionnement médical », la PPL concrétise une volonté du Ségur : faire confiance aux médecins de terrain en leur donnant les coudées franches en matière de gouvernance interne, pour « mettre fin aux excès de la loi HPST » de Roselyne Bachelot (2009). Il sera aussi permis aux établissements qui le souhaitent de fusionner, par souci de simplification, la CME avec la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques (CSIMRT) au sein d'une commission médico-soignante.
La réforme introduit également davantage de démocratie sanitaire en permettant aux étudiants et usagers de siéger au directoire des établissements. Adopté contre l'avis du gouvernement, un amendement autorise aussi les députés à intégrer le conseil de surveillance d'un établissement de santé de leur circonscription.
Patchwork
Dossier très cher à Olivier Véran, la lutte contre le « mercenariat de l'intérim médical » se concrétise. Un article permet de rendre effectif le plafond financier réglementaire de l'intérim en obligeant le comptable public à rejeter tout paiement au-delà de la limite. Le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) devra déférer devant le tribunal administratif les établissements qui se livrent à des rémunérations irrégulières.
Si le résultat du vote solennel à l'Assemblée ne fait guère de doutes, la majorité accouche – en attendant l'examen du Sénat – d'un texte « patchwork » évolutif, signe aussi des tensions qui traversent le secteur notamment sur la gouvernance des hôpitaux ou les périmètres de compétence.
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