Ministre de la Santé de 2005 à 2007 puis de 2010 à 2012, Xavier Bertrand a défendu pendant près de trois heures son bilan, lors de son audition jeudi 2 juillet par la commission d'enquête parlementaire sur l'impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie de Covid-19, au même titre que ses successeurs Agnès Buzyn, Marisol Touraine et Roselyne Bachelot. Ce qui ne l'a pas empêché de tacler ses successeurs.
Arrivé en juin 2005 aux affaires, Xavier Bertrand a été confronté dès juillet au virus de la grippe H5N1, transmissible de l'animal à l'homme. « S'il y avait un passage d'homme à homme, il y avait une pandémie mondiale, a-t-il rappelé aux présidents de la commission d'enquête Éric Ciotti et Brigitte Bourguignon. Le président Chirac m'avait donné carte blanche et, à partir de là, nous nous y sommes préparés. Dès le moment où on a vu notre dépendance à la Chine, une force de production nationale a été proposée, avec des commandes importantes de masques passées, notamment en France. »
Une commande de 30 millions de masques FFP2 a par exemple été passée le 26 décembre 2005 à l'usine de masques de Plaintel (Côtes-d'Armor), fermée depuis. 140 millions de masques ont été commandés en 2007 et puis à nouveau 30 millions en 2008, soit 200 millions d'unités de masques pour cinq ans, a détaillé Xavier Bertrand.
Pourquoi ne pas avoir renouvelé ensuite ce contrat ? « Car il était prévu pour cinq ans, pas pour 50 ans. Une fois que nous étions arrivés à 200 millions d'unités de masques FFP2 en stock, c'est-à-dire 100 % de l'objectif cible, on ne va pas en commander d'autres », a-t-il répondu à l'insistant député Julien Borowczyk (LREM).
Le « coup fatal » de l'Eprus
Interrogé ensuite sur le « changement de doctrine » en 2011, à la suite d'un avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) qui recommande « la constitution d'un stock tournant » de masques plutôt que d'un stock dormant, et préconise de réserver les FFP2 aux professionnels « directement exposés à un risque élevé », l'ancien ministre a assuré que cela n'avait « pas amené à changer notre doctrine sur le nombre de masques à commander ». Cet avis sera suivi d'une circulaire, la même année, qui distingue les stocks stratégiques centralisés par l'État, des stocks tactiques des établissements de santé. Mais les masques resteront bien dans les stocks stratégiques, a assuré Xavier Bertrand.
En revanche, après son départ du gouvernement, des logiques comptables ont pris le pas, a regretté Xavier Bertrand. « Tout un système s'est fait bouffer la tête avec une vision court-termiste et budgétaire », s'est défendu le président de la région Hauts-de-France.
Une doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire, publiée en mai 2013 par le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), dépendant de Matignon, achèvera ce basculement. Celle-ci indique que c'est à chaque employeur de déterminer l'opportunité de constituer des stocks de masques pour protéger son personnel. « C'est le début de la fin, parce qu'à partir de ce moment-là, qui va s'assurer que tout le monde est bien au courant qu'il doit se doter lui-même de ses masques ? Les professionnels de santé libéraux : qui le fait ? Il y a un délitement de responsabilité à partir de cette date et le ver est dans le fruit », a estimé Xavier Bertrand.
Enfin, le « coup fatal » viendra pour lui de la disparition de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), intégré en 2017 à Santé publique France, « non pas parce que c'est mon bébé, mais parce que c'était un organisme indépendant pour échapper au process administratif et aux luttes d'influence, avec un côté opérationnel et efficace ».
Questionné par d'autres députés sur ce qu'il aurait fallu faire ou ce qu'il aurait fait en tant que ministre de la Santé pendant la crise, Xavier Bertrand s'est en revanche gardé de répondre sur ce sujet. « Je pensais qu'après décision de fermer les restaurants, on n'allait pas faire les municipales. Pour le reste, je n'ai pas accès aux informations des gouvernants, il est compliqué de porter un jugement », a-t-il indiqué.
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