Comment tirer les leçons de la crise sanitaire à l’échelle d’une grande région, après un an et demi d’une offensive pandémique d'une ampleur inégalée, et comment tirer profit des retours d’expériences ? Telle était la question au cœur d’une table ronde organisée récemment par Sciences Po Lyon et les Hospices civils de Lyon (HCL).
Partage d'infos
En Auvergne-Rhône-Alpes, « nous avons fait face à une situation particulièrement brutale, qui nous a obligés à nous adapter », souligne d'emblée le Dr Jean-Yves Grall, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) d’Auvergne-Rhône-Alpes. Selon l'ancien cardiologue libéral, « la chaîne de commandement n’a pas failli » et un partage régulier des informations s’est instauré avec l’ensemble des acteurs : URPS pour les libéraux, établissements publics, secteur privé non lucratif, SAMU, urgences, etc. « Nous avons aussi effectué un travail en commun, le Préfet de région et moi-même, sur le lien avec les élus », poursuit-il. Un plaidoyer qui tranche avec les critiques souvent entendues sur le manque d'agilité et de réactivité des ARS pendant la crise.
Concernant la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie, elle a été territorialisée, avec 15 territoires définis pour la première vague, ramenés à huit secteurs pour les deuxième et troisième vague. « Nous avons désigné un établissement chargé sur son territoire de la prise en charge des patients Covid », précise-t-il. « Dans cette région, nous avons su travailler ensemble, l'hôpital et la médecine de ville », juge le Dr Grall.
Une panne de démocratie sanitaire
Pourtant, le lien ne s'est pas toujours opéré avec les patients, nuance François Blanchardon, président de France Assos Santé Auvergne-Rhône-Alpes. « La quasi-totalité des commissions des usagers se sont arrêtées pendant la première vague, ce qui a constitué une cassure avec l’habitude de démocratie sanitaire, souligne-t-il. Nous avons tiré la sonnette d’alarme auprès des établissements de santé et des instances et nous avons pu remettre en place ces concertations. »
Cette critique locale fait écho au constat du Pr Emmanuel Rusch, président de la Conférence nationale de santé (CNS), qui dénonçait récemment le défaut de démocratie sanitaire dans la gestion de crise et les périodes d'état d'urgence sanitaire. « Pendant les 18 mois de pandémie, nous n’avons ni été sollicités, ni mandatés par le gouvernement », résumait le président de la CNS, qui se veut pourtant un lieu de concertation en santé réunissant usagers, aidants ou partenaires sociaux.
Les libéraux oubliés au début, bien associés ensuite
Pour le Dr Pierre-Jean Ternamian, ancien président de l’URPS médecins libéraux d’Auvergne-Rhône-Alpes, la crise a connu trois séquences différentes et le tableau est nuancé. Lors de la première période de confinement, explique le radiologue, « nous nous sommes retrouvés avec des services d’urgence submergés. Nous avons essayé de mettre en place des plages disponibles pour les patients Covid à partir de 15h. Au bout de trois semaines, nous avons constaté que nous ne recevions quasiment aucun patient. Il y a eu un défaut de prise en compte des organisations libérales que nous pouvions mettre en place », regrette-t-il. Au cours de la deuxième période, même déception : les médecins libéraux n’avaient pas la capacité de connaître la disponibilité des centres pour hospitaliser leurs patients. « Nous avons demandé en vain un répertoire opérationnel de ressources, nous ne l’avons pas obtenu. »
En revanche, « la troisième phase a montré l'adaptation forte des acteurs. Il y a eu une très bonne coopération entre la ville de Lyon, les Hospices civils de Lyon et les libéraux de santé pour monter le centre de vaccination de Gerland ». Pour le Dr Ternamian, « il y a eu des défauts de communication mais nous avons appris à chaque vague et la troisième vague a été mieux gérée car on a fait confiance aux acteurs régionaux ».
Les cliniques dans la boucle
Frédérique Gama, directrice de la clinique médico-chirurgicale Charcot, à Sainte-Foy-Les-Lyon, et présidente de la branche MCO de la FHP, estime que le secteur privé a été utilement associé dans la lutte contre la pandémie. « L’hospitalisation privée s’était positionnée pour être partie prenante dans la crise, souligne-t-elle. La première vague passée, l’ARS nous a fait confiance et ce premier lien de confiance a été important pour la gestion de la deuxième, puis de la troisième vague. Notre coopération entre public et privé nous a permis de minimiser les déprogrammations lors de la troisième vague ».
Dans cette région comme dans beaucoup d'autres, les erreurs du début ont été corrigées au fur et à mesure. Pour le Dr Jean-Yves Grall, patron de l'ARS, les maîtres mots d'une bonne gestion de crise sont en tout cas le décloisonnement et la capacité d'adaptation avec un partage des compétences public/privé. « On ne pourra jamais tout prévoir, admet-il. Il faut laisser les acteurs sur le terrain s’adapter, savoir aussi transgresser les organisations pour aller à l’essentiel. »
« Even Elephants Do It », une pièce en l’honneur de Cécile Winter, médecin engagée contre le Sida
« Deep Learning Amnésie Profonde », une pièce qui interroge sur le lien entre Alzheimer et nouvelles technologies
Dr Chloë Ballesté, université de Barcelone : « Dans les hôpitaux espagnols, le don et la greffe sont prioritaires »
Don d’organes : comment faire reculer l’opposition ?