La PPL est-elle une réponse suffisante au problème de la sous-déclaration des maltraitances à enfants ?
Le Défenseur des droits partage entièrement l’objectif visé par la proposition de loi adoptée au Sénat. Afin de multiplier les démarches de signalement d’enfants en danger opérées par les médecins, une condition essentielle est de rendre le dispositif législatif applicable au secret professionnel plus lisible et plus compréhensible. L’extension à l’ensemble des professionnels de santé soumis au secret professionnel de l’immunité prévue par le code pénal dans certains cas exceptionnels de violation du secret, est une excellente avancée en ce sens. L’exclusion de leur responsabilité aussi bien disciplinaire que pénale et civile est de nature à les encourager à signaler plus systématiquement les situations qu’ils repèrent. Par ailleurs, le complément de formation sur les modalités du signalement aux autorités administratives et judiciaires faisait défaut et jouera un rôle très important. Cet objectif est en totale cohérence avec les dispositions de l’article 4 de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant qui prévoit la désignation d’un médecin référent au sein des services départementaux, interlocuteur de l’ensemble des professionnels de la santé.
Pourquoi ne pas rendre obligatoire le signalement par les médecins, comme dans certains pays ?
Tout citoyen, professionnel de santé ou non, a d’ores et déjà l’obligation légale de signaler une situation d’enfant en danger. La non-assistance à personne en danger (article 223-6 du code pénal), ou encore la non-dénonciation de crimes et délits (article 434-1 et 3 du code pénal), sont sanctionnées. Le médecin a également le devoir déontologique de protéger un patient mineur (article 44 du code de déontologie médicale, articles R. 4127-43 à R. 4127-44 du code de la santé publique).
Réaffirmer le caractère obligatoire du signalement, en matière de maltraitance à enfant suspectée par un médecin, permettrait toutefois de rappeler qu’il ne s’agit pas là d’une action « hors champ de compétence ». En effet, beaucoup de médecins estiment que ce rôle est davantage dévolu à l’assistance sociale.
A contrario, certains parents pourraient devenir plus méfiants (plus défiants) à l’égard de leur médecin de famille et soustraire leur(s) enfant(s) à sa vigilance. Quand on sait que les carences éducatives représentent la majorité des facteurs de danger identifiés pour les enfants au sein de leur famille, se priver du médecin traitant ou du pédiatre pour les repérer dans le cadre de la consultation avec
Quel message adressez-vous à un médecin qui éprouve des doutes sur une maltraitance, qui se sent isolé et s’inquiète des risques d’être convoqué ?
Le Service Protection de l’enfance du Conseil départemental est garant du traitement et de l’évaluation des informations préoccupantes. L’information préoccupante est une information susceptible de laisser craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou de risque de danger et puisse avoir besoin d’aide. Il peut s’agir de faits observés, de propos entendus ou rapportés, de simples inquiétudes sur le comportement du mineur, de ses parents ou d’adultes vis-à-vis du mineur. Le médecin n’est pas un enquêteur. Il doit néanmoins porter à la connaissance du Conseil départemental (Cellule de recueil des informations préoccupantes, centre départemental d’action sociale) ses inquiétudes, sans interprétation. Dans ces circonstances, le médecin ne doit absolument pas rester seul. Il peut demander conseil, au cours d’une communication téléphonique ou d’un entretien physique, à l’ensemble des professionnels concourant à la protection de l’enfance (responsable de la Cellule de recueil des informations préoccupantes, médecin de PMI, responsable du Centre départemental d’action sociale, médecin scolaire). Il peut également s’adresser au conseil départemental de l’Ordre des médecins pour obtenir un soutien dans l’accomplissement de ses démarches.
Enfin, s’il est confronté à une maltraitance et en l’absence de moyen de mettre immédiatement l’enfant à l’abri, il doit la signaler aux autorités judiciaires, c’est-à-dire au procureur de la République. Aucune poursuite ni sanction ne sont possibles (article 226-14 du code pénal) si le signalement est effectué selon les règles rédactionnelles établies (sans interprétation, sans jugement ou appréciation, en utilisant les guillemets et le mode conditionnel).
Propos recueillis par Ch. D.
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