LE QUOTIDIEN : Le Pr Even a traité certains de ses confrères de « putains académiques » et de « parrains ». S’expose-t-il à des sanctions de l’Ordre ?
DR PATRICK ROMESTAING : Pour parler de ses confrères, le Pr Even tient des propos inacceptables. Ce n’est pas du tout conforme à la déontologie, et on ne voit pas en quoi il aurait plus d’autorité que d’autres pour porter un jugement sur ses confrères. D’autant que ses méthodes d’analyse ne sont pas fondées sur des critères scientifiques. L’Ordre peut comprendre sa volonté de transparence, mais il n’adhère pas au procédé. Nous n’acceptons pas non plus que soit livrés en pâture les noms de certains médecins, dont on croit savoir par ailleurs que ce sont, pour certains d’entre eux, des confrères avec qui il a déjà eu des différends.
Philippe Even risque-t-il gros ?
Il reviendra à la session plénière de l’Ordre, qui va se réunir jeudi 24 et vendredi 25 septembre, de décider des suites déontologiques, c’est-à-dire éventuellement d’une saisine de la chambre disciplinaire. Il faut se rappeler que le Pr Even a déjà été sanctionné assez récemment (un an d’interdiction d’exercer, dont 6 mois avec sursis, N.D.L.R.) par l’Ordre pour ses propos à l’égard des allergologues dans son précédent « Guide des 4 000 médicaments ». La chambre disciplinaire peut prendre les décisions qui relèvent de sa compétence. Cela va du blâme à la suspension, voire à l’interdiction d’exercer.
Comment réagissez-vous au fait que Philippe Even ait négligé de préciser dans ses déclarations d’intérêt que l’Institut Necker, qui le salariait, recevait des fonds de l’industrie pharmaceutique ?
Premièrement, il s’est pris son boomerang dans la figure, il aurait dû faire attention. Quand on veut donner des leçons, il faut soi-même être très blanc. S’il existait un décret parfaitement clair sur la déclaration de tout lien d’intérêt, le Pr Even n’aurait peut-être pas commis l’imprudence de tendre un bâton pour se faire battre. Il a beaucoup d’énergie pour combattre les supposées mauvaises actions de ses confrères, il aurait dû être attentif au fait que lui-même était rémunéré par une fondation qui touche des fonds de l’industrie pharmaceutique.
Quelle leçon tirez-vous de ces événements ?
Cette demande de transparence du Pr Even nous permet de rappeler que nous demandons nous-mêmes depuis 5 ans une transparence totale des liens entre l’industrie et les médecins. Il existe un décret, rédigé par le gouvernement, et paru en mai 2013 mais il ne permet pas de faire toute la transparence en ce sens qu’on sait tout sur les déjeuners ou billets de train offerts par l’industrie à un médecin mais rien sur les montants des conventions. Nous avons fait appel de ce texte devant le conseil d’État, qui nous a donné raison sur ce point. Nous attendons la suite.
L’Ordre demande que les Français soient au courant de tous les liens financiers qui unissent l’industrie à tout médecin. Sur ce point, et sur ce point seulement, nous rejoignons en quelque sorte le Pr Even.
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