L'Assemblée nationale a voté en séance publique, dans la nuit de lundi à mardi, deux projets de loi d'envergure prévoyant d'une part de creuser très fortement le trou de la Sécurité sociale (par transfert massif de dette à la CADES) et, d'autre part, la création d'un cinquième risque consacré à la dépendance, arlésienne du monde de la santé. Les deux textes (projets de loi organique et ordinaire) doivent être examinés par le Sénat.
136 milliards pour la CADES
Conformément aux annonces du gouvernement le 20 mai et après le feu vert des députés en commission spéciale le 9 juin, ces deux textes sur la dette sociale et l'autonomie avalisent l'ajout de 136 milliards d'euros de dettes au passif de la Sécurité sociale, par un transfert à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Alors que l'extinction était prévue en 2024, les Français devront rembourser la CRDS au minimum jusqu'en 2033, soit neuf années de plus que prévu.
Cette somme englobe les déficits accumulés (31 milliards d'euros), mais aussi ceux attendus pour l'année en cours (52 milliards) et les trois suivantes (40 milliards), ainsi qu'un tiers du passif des hôpitaux (13 milliards), dont la reprise avait été annoncée le 20 novembre (à hauteur de 10 milliards) par Agnès Buzyn et Édouard Philippe.
De l'air et de la visibilité pour l'hôpital public
Le secrétaire d'État Adrien Taquet a salué en préambule des débats un « projet de solidarité comme le pays n'en a pas connu depuis longtemps », une « première pierre » à la réforme de la dépendance et un texte « audacieux, ambitieux et responsable ». « Ne perdons pas de vue que l'hôpital public trouvera dans cette reprise de la dette de l'air et de la visibilité, sans préjuger des conclusions du Ségur de la santé », a-t-il avancé.
En parallèle, le gouvernement entend donc réaffecter au financement du grand âge – à partir de 2024 – 2,3 milliards d'euros annuels de CSG aujourd'hui consacrés à l'amortissement de la dette. La création concrète d'une cinquième branche de la Sécu consacrée à la perte d'autonomie en sus des quatre branches existantes (maladie, vieillesse, famille, accidents du travail) reste renvoyée à la publication d'un rapport précisant les modalités et le financement, attendu mi-septembre.
Mais, a déjà assuré le rapporteur du projet de loi, le député de Charente et urgentiste Thomas Mesnier, la représentation nationale s'efforcera d'élaborer sans attendre un « début d'architecture ». « Ça fait 15 ans que tout le monde est d'accord sur le fond pour créer une cinquième branche mais que rien ne se passe ! La droite de cet Hémicycle en rêvait en 2007, la gauche en 2012 en rêvait. L'Histoire retiendra qu'en 2020, nous l'avons fait », s'est vanté Adrien Taquet.
Un milliard dès le prochain PLFSS
L'opposition est montée au créneau, dénonçant une « coquille vide » et un « affichage » politique. Agacé par le financement de la « dette Covid » par la CADES et par la création d'une cinquième branche « sans nouveaux moyens », le groupe Socialistes et apparentés a déposé en vain une motion de rejet préalable sur le projet de loi organique.
La Gauche démocrate et républicaine a fait de même sur le projet de loi ordinaire. Malgré le soutien des groupes Libertés et territoires, La France insoumise, Écologie démocratie solidarité, les deux motions se sont heurtées au mur des députés des groupes Agir ensemble, Les Républicains, MoDem et apparentés et LREM.
Face aux critiques dénonçant l'incertitude de financement avant 2024, Olivier Véran a assuré « qu'au moins un milliard d'euros » supplémentaires seraient fléchés pour financer « la perte d'autonomie » dès cet automne, dans le budget de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. « Personne n'a jamais dit » que les 2,3 milliards prévus (à partir de 2024) « étaient pour solde de tout compte », a jeté le ministre de la Santé.
Actuellement de 30 milliards d'euros par an (dont 6 milliards de reste à charge pour les ménages), les dépenses nécessaires liées au grand âge pourraient augmenter de plus 9 milliards d'ici à 2030 à cause du papy-boom, selon le rapport Libault remis l'an dernier.
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